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que la plus grandę partie de 1’Afriąue noire ne possćdait pas, jusqu’& une ćpoque rćcente, d'historiens qualifićs. L’argument invoquć k 1’appui de cette thćse est qu’il existe une formę d’analyse, effectuće par des spćcialistes du passe et rćgie par des rćgles spćcifiques de dćduction et de verification, sans laquelle il ne saurait etre question d’histoire dans 1’acception scientifique du terme. La tradition orale en Afrique est une formę de relation des ćvćnements. Elle est souvent supćrieure au compte rendu journalistique d’un ćvćnement parti-culier, mais elle appartient k la meme catćgorie. Si 1’histoire avait uniquement pour objet de rendre compte des faits, la tradition orale consacree par le temps et le journalisme dictć par la hate relćveraient tous deux de 1’histoire. Mais, si Pćtude de 1’histoire exige des rćgles particulićres concemant 1’assemblage des observations, la dćduction et la vćrification des conclusions, alors la tradition orale en tant que tómoignage consacre par une longue continuite et le journalisme en tant que compte rendu soumis aux exigences de Pactualite sont plus des sources pour 1’historien que 1’histoire elle-meme.
Ce demier quart de sićcle a vu apparaitre plus d’historiens africains noirs, dans le sens scientifique du terme, que les cinq cents dernićres annćes. Contrairement aux remarques de Hugh Trevor-Roper, I’Afrique possćde un passć parfaitement digne d’etre enregistrć et analysć, et elle dispose des sources nćcessaires. Mais, jusqu’a une ćpoque rćcente, son passć n’a pas ćte suffi-samment ćtudić par les historiens, en partie parce que trćs peu d’historiens qualifićs ćtaient africains. De meme qu’il est impossible de parler de science sans savants, ou de poćsie sans poćtes, il ne peut y avoir d’histoire sans historiens. Dans ce sens prćcis, il est sans doute vrai que, pour un grand nombre de socićtćs africaines, 1’histoire vient de naitre. Cela ne signifie pas que ce qui mćrite d’etre consignć ne se produit que maintenant, mais que ce qui mćrite d’etre ćtudić dans toute Phistoire de ces socićtćs commence seulement aujour-d’hui k etre ćtudić.
Si Phistoricitć d’une nation depend de Pexistence d’historiens, ces demiers doivent-ils pour autant appartenir a cette nation ? La realitć de Phistoire de PAfrique depend-elle de la competence des historiens africains?
UHistoire ginerale de VAfrique publiće sous les auspices de 1’Unesco repose indiscutablement sur le principe de la primautć de la vision de l'interieur. D’aprćs les statuts, nous Pavons vu, les deux tiers des membres du comitć scientifique international responsable doivent etre des Africains. Le directeur de chaque volume doit ćgalement etre un Africain, bien que ses adjoints puissent appartenir k d’autres rćgions du monde. Les auteurs de chaque volume doivent ćgalement etre en majoritć d’origine africaine, de telle sorte