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aujourd’hui encore de frontiere entre le Kenya et la Tanzanie dans le secteur de Laitokitok, alfirma que les membres de la commission « ćtaient victimes d’une erreur, car ce territoire appartenait non pas aux Europćens, mais k sa propre tribu...1 2 ». Ces deux dćclarations, faites de faęon totalement indćpen-dante par des porte-parole de cultures africaines trós diffćrentes, sćparćes par des milliers de kilom&tres et k soixante ans d’intervalle, prouvent 1’unitć de vue fondamentale des groupes africains ćcartelćs dans Tensemble du continent. Dans la rćgion de Ketu, comme probablement ailleurs en Afriąue, Taffirmation rćsume la rćalite d’une cohćsion culturelle ou ethniąue k travers les frontifcres, et en dćpit d’elles, tout au long de la pćriode coloniale et au-deUt®. Une ethno-histoire des fronti&res des Ćtats africains devrait explorer davantage les res-sources pour en tirer des gćnćralisations du meme genre, en soumettant k un examen dćtaillć, et suffisamment perspicace, des microcosmes reprćsentatifs de groupes africains disloąućs, soigneusement choisis. Cet effort d’exploration devrait faire progresser les connaissances en ce domaine, donner de 1’ćlan k 1’imagination des hommes d’Ćtat africains, promouvoir la comprćhension intemationale et stimuler 1’adoption d’attitudes plus humaines dans la formu-lation des politiques frontaltóres sur le continent africain.
Nous pouvons de la meme faęon associer les ćtudes de McEwen et de Touval, qui n’accordent, eux aussi, qu’un intćret secondaire aux populations frontalifcres africaines. Tous deux traitent spćcifiquement des litiges frontaliers. Mais, alors que 1’ćtude de McEwen se rćfóre au droit international et vise & mieux faire comprendre les problemes juridiques en cause, Touval examine et analyse les dimensions politiques de la question. Sans nćgliger completement les socićtćs et les collectivitćs africaines locales, il s’intćresse surtout aux Śtats. La comparaison de ces deux ćtudes et des deux ouvrages prćcćdemment ćvoqućs montre clairement que, si Thistorien et le gćographe se sont simple-ment rendus coupables d’omission, le juriste et 1’homme politique ont pćchć contrę la morale en mćconnaissant, en sacrifiant, pourrait-on dire, les Africains victimes de tels partages. McEwen s’en remet sans mćnagement au droit international en ćcrivant :
« Le statut juridique des collectivitós africaines, tel qu’il a ćtć tradition-nellement dćfini par les juristes occidentaux classiques, a ćtć celui de simples objets de droit international dont le contróle juridique relevait exclusivement d’Ćtats reconnus, qui seuls constituaient des sujets intemationaux. Apparem-ment, peu importait dans ce cas que les collectivitćs aient ou non rćussi k se
A. C. McEwen, op. cit. (citó dans le texte), p. 148.
Pour plus de dćtails, voir Anthony ljaola Asiwąju,« The Alaketu of Ketu and the Ormeko
of Męko: the changing status of two Yoruba rulers under French and British colonial-
ism and independence », chapitre de l’ouvrage de M. Crowder et O. Ikime (dir. publ.),
West African chiefs, University of Ife Press ; New York, Humanities Press, 1970.