100 Anthony Ijaola Asiwaju
Parmi les autres disciplines relevant des Sciences humaines et sociales dont on pouvait espćrer une contribution, mais qui n’ont rien ou presąue rien apportć, la plus dćcevante a sans doute ćtć ranthropologie africaine, y compris la linguistique. Notoirement indiffćrents aux changements survenus au cours de telle ou telle pćriode, les anthropologues et les linguistes spćcialistes de l’Afrique se sont rćvćlćs presque totalement insensibles, dans leurs travaux, k la question du partage colonial et k ses rćpercussions sur les cultures et les langues qu’ils avaient choisi d’ćtudieru. Us ont plus ou moins continuć k tracer et k retracer des cartes ethniąues et linguistiques du continent, k ćtudier les cultures africaines, dont quelques-unes des cultures disloqućes, sans tenir le moindre compte — ou presque — du partage colonial, qui constituait i la fois une intrusion majeure dans 1’histoire locale et un aspect fondamental d’un nouveau processus de contacts et de changements culturels dćclenchć dans les nouvelles rćgions frontali&res1*. Loin d’apporter i 1’histoire une contribution positive, les anthropologues de l’Afrique, les linguistes notamment, ont ajoutć des dimensions nouvelles k une situation ethnique dćjk complexe. En se complai-sant k inventer de nouveaux vocables pour les divers groupes linguistiques africains, ils n’ont fait que compliquer davantage le problćme de la multiplicitć des catćgories ethniques et linguistiques et 1’identification des composantes ethniques du continent15.
Le dćsćquilibre actuel des disciplines tient particuli^rement k une absence ćvidente de coordination. Cet isolationnisme est typique d’auteurs comme Anene et Prescott : aucun des deux ne se rćfere jamais aux travaux de 1’autre, alors que, de toute ćvidence, ils se connaissaient et ćtaient au courant de leur communautć d’intćretl*. Une ethnohistoire des fronti&res doit nćcessairement
13. La seule exception est la breve refćrence de Melville Jean Herskovits dans son ouvrage
The hurrum factor in changing Africa, New York, Knopf, 1962, p. 56-58.
14. Voir, entre autres, J. Greenberg, Languages of Africa; G. P. Murdock, Africa: itspeoples
and cullure history, New York, 1959 ; J. Gibbs, The Peoples of Africa; David Dalby, Language map of Africa and the adjacent islands, Londres, 1977.
15. Le probtóme des nouveaux vocables est devenu si grave que David Dalby, qui compte
lui-meme parni les responsables de cet ćtat de choses, a eu le courage de le reconnaitre; il a demandć que l’on cesse de crćer des appellations nouvelles et d’utiliser celles qui ne sont pas encore d’usage courant (voir David Dalby, op. cit., p. 10).
16. J. C. Anene et J. R. V. Prescott ont enseignć tous deux k 1’ancien « University College »>
d’Ibadan (devenu depuis rUniversitó d’Ibadan), l’un au dćpartement d’histoire, 1’autre au dćpartement de gćographie. Les ouvrages qu’ils ont publićs sont des versions rćvisóes de leurs thćses de doctorat, prćsentćes k peu prćs sous le meme titre k l’Uni-versitó de Londres en 1960 et 1961 respectivement. L*absence apparente de relations personnelles entre eux s’explique probablement par la surprise qu’ils ont ćprouvće, chacun de son cdtć, en faisant enregistrer leur thćse k Londres et en constatant la similitude des titres; ce sentiment a dQ etre renforcć par la crainte que 1’orientation similaire de leurs travaux, prćsentćs dans une meme universitó, ne nuise k 1'originalitć que doivent avoir les thćses de doctorat. II est nćanmoins curieux que, dix ans aprćs