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tions intemationales intćressćes. Meme quand ils ont fait preuve d’intćret pour 1’aspect africain du problćme, comme J. C. Anene et J. D. Hargreaves, par exemple, c’est encore aux « rois » et aux « empereurs » des socićtćs africaines respectives, et non aux masses populaires, que sont allćes leur considćration et leur attention1*. II est certain que la perspective diplomatique nous a beaucoup appris et qu’elle continuera de le faire, raais une orientation nouvelle et plus alerte s’impose.
La deuxićme observation conceme reffet restrictif que 1’ćtude des frontieres exerce sur les prćoccupations et les travaux des spćcialistes; en effet, de meme que les limites frontalićres circonscrivent les zones de juridiction des Ćtats, l’exercice de la souverainetć par ces Ćtats a effectivement restreint la plupart des activitćs humaines, intellectuelles notamment, i 1’intćrieur des frontieres. Entre autres effets dćsastreux, le partage colonial a imposć aux Africains 1’ćtablissement de systćmes ćducatifs coloniaux diffćrents, 1’intro-duction de barrićres linguistiques officielles et l’alićnation culturelle gćnćrale des intellectuels de formations occidentales diffćrentes, devenus antagonistes dans les rćgions situćes le long des frontićres od, des deux cdtćs, les ćlites « instruites » appartiennent pourtant k une meme culture africaine10. Cette alićnation s’est traduite notamment par la colonisation et finalement la « natio-nalisation » des prćoccupations intellectuelles de ces ćlites. Dans ces conditions, les recherches s’arretent gćnćralement, surtout en matićre de Sciences humaines et sociales, au voisinage des frontićres ou aux frontićres elles-memes, alors qu’elles devraient naturellement les franchir. Cette indiffćrence des spćcialistes & l’ćgard des problćmes transfrontaliers a fini par gagner le cercie plus large des autoritćs civiles, qui en sont venues k manifester la meme attitude envers les zones frontalićres. Ainsi, les routes cessent d’etre entretenues et les projets de dćveloppement vont k 1’abandon k mesure qu’on s’ćloigne des centres d’acculturation intensive et qu’on s’approche des frontieres d’un pays, tandis que, parallćlement, on voit s’ćmousser 1’intćret et la curiositć du savant et du chercheur. Les localitćs frontalićres ont fini, non pas en elles-memes mais dans l’esprit de la premićre gćnćration de chercheurs et de savants, par sombrer dans une sorte de magma humain.
Notre demićre rćflexion a trait au caractere extremement exigeant de la mćthodologie k appliquer. L’ethnohistoire des frontićres des Ćtats africains requiert un juste ćquilibre entre les recherches traditionnelles d’archives et un travail k la fois extensif et intensif sur le terrain. Elle rćclame des recherches dans les archives de la mćtropole, mais aussi et surtout dans les archives Iocales,
19. J. D. Hargreaves, Prelude to the partition of West Africa, Londres, 1963 ; West Africa
partitioned, vol. I, Londres, 1976.
20. Pour le cas des Yoruba, voir Anthony Ijaola Asiwaju, Western Yorubaland, op. cit.,
chap. x.