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Parmi tous les autres qui peuplent les manuels d'histoire, le Grec a reussi la triste performance d’accumuler la plus grandę ąuantitś de qualit€s negatives. L'explication est du. moins ambivalente; d'un cótś, historique, disons donc objective et de l’autre cótć didactique-moralisatrice, donc sub-jective. En ce qui concerne l'explication historique, elle vise la rśalitć effec-tive des r&gnes phanariotes (1714/1716 — 1821) dans les Principautćs Rou-maines (La Moldavie et la Valachie). Le siecle des princes de Phanar semble traumatiser rćellement la societe roumaine d'une part au niveau economique (par la fiscalite accablante et les demandes onćreuses de la Porte), d’autre part au niveau politique et de la solidaritó autochtone obligees d'accepter comme princes regnants des śtrangers originaires de Constantinople et ayant le statut de dignitaires de l'Etat ottoman. En Jaissant de cótś l'enjeu politi-que d’une grandę partie des ćcrits concemant les Phanariotes (rścits de voyage des Occidentaux, memoires politiques des boyards roumains soucieux d'ob-tenir la restauration des princes roumains) nous rappelons seulement que l’historiographie romantique roumaine a accuse tous les dśfauts reels, possi-bles et probables des princes phanariotes. L’image des Phanariotes commence a changer vers la derniere decennie du XIX® siecle sous la plume de A.D. Xenopol, V.A. Urechia et Nicolas Iorga33. Les manuels envisagćs par nous, touchent seulement le debut de la pśriode au bout de laquelle les princes phanariotes perdent leur monstruositć pour devenir, parfois, meme des promoteurs du progres et des facteurs modernisateurs de la socićtć roumaine. Tenant compte du decalage qui sśpare depuis toujours la decouverte d'une nou-veautś scientifique de son passage vers les verites communćment acceptśes il faut dire que nos manuels n'annoncent guere des temps meilleurs pour les Phanariotes. L’arme la plus redoutable des auteurs des manuels reste la parole. C'est la vehemence injurieuse du langage qui nous frappe premierement. Chez tous les auteurs l'epoque phanariote est la plus noire de toute lEistoire roumaine. «Aucun autre śvenement n'a autant śbranlś les fondements de notre Etat, que l'av£nement de ces princes tenanciers, des esclaves oppres-seurs qui ćtaient des instruments de pillage au service de la Porte ottomane t34. Habituellement, l'arsenal linguistique des auteurs des manuels use des expres-sions de la familie suivante: les Phanariotes sont comparśs aux sauterelles, aux sangsues, a la peste, ils sont les suceurs du sang du peuple roumain, et gćnćralement leur seul souci est de s'enrichir eux-m^mes et leurs nombreux parents. Meme Xenopol un des promoteurs de la rśśvaluation de l’histoire du siecle phanariote, affirme (en 1879) que «Tous les princes de cette śpoque sont semblables et ne font rien d’autre que voler et piller le pays. Pour cela nous allons seulement les ćnumćrer, en rappelant leur nom, sans parler d’eux» parce qu'ils n'ont aucune importance *35. C'est le manuel d'A. Treboniu-Laurian, de 1859, qui, de loin , nous semble le plus objectif en cette matiere. II est le seul qui a reconnu l'ecart catastrophique qui sśpare n’importe quel programme princier de gouvemement des possibilitśs de l’appliquer effecti-vement. Et cet ćcart s'appelle la Porte, la Porte avec ses besoins pścuniaircs
33 V. Tr. Ionescu-Ni$cov, Ułpoąue phanariote dans Vhistoriographie roumaine et ćtran~ giręt dans Symposium. L'ćpoque phanariote (21—25 octobre 1970), Thessaloniki, 1974, p. H5— 157.
34 Gr. Tocilescu, Istória romdnd fentru fcolile primare de ambe sexe, Bucarest, 1887,
p. 210.
M A. J). Xenopol, Istoria Roni&nilor..., Ile ćd., p.’ 88.