aussitót annules. Ils deviendraient, dans cette mesure du moins, insinceres et conventionnels. Repondant a une obłigation, ils con-sisteraient a payer une dette, a s’acquitter, donc a se debarrasser d’un du. Des lors, paradoxalement, ils seraient encore pris dans le cercie economiąue de 1’echange, fut-ce celui d’une economie symboliąue du rachat ou de la redemption. Ils ne seraient pas absolument libres, liberes du devoir ou de la dette, duty free, si on peut dire, af-franchis de toute imposition au passage de frontiere. Aucune denegation, aucune sublimation, aucun raffinement de la ruse ne changerait rien a ce fait, en verite a cette loi. Conclusion: il faud-rait donc remercier, si c’etait possible, et cela vaut aussi pour le don ou le pardon, au-dela de la dette, toujours par dela le devoir, en inventant de nouvelles regles du remerciement, en inaugurant une pratiąue singuliere, voire imprevisible. Donc a certains egards en declarant sa gratitude de faęon surprenante, sinon provocante, a la limite du convenable, pour le destinataire meme de ces remerciements. Mais comme rien ne doit etre facile, ii faudrait aussi, tout en inaugurant un acte et de nouvelles regles, veiller a respecter ses destinataires ou ses partenaires, c’est-a-dire, surtout, eviter que l’evenement d’une telle invention fasse injure a la tradition. II faudrait inventer rimprevisible tout en honorant un heritage et en rendant hommage a la memoire de 1’autre. Tache contradictoire peut-etre, tache impossible sans doute. Mais avec ce “devoir de memoire”, comme on dit dans le contexte culturel que je viens d’evoquer, avec ce souci de verite au regard de ce qui a eu lieu et dont nous heritons, nous ne sommes peut-etre pas tres loin de ces limites ou la question du pardon vient encore nous hanter. Le pardon se demande pour un acte passe, pour un tort irreversible et irreparable auquel on voudrait, par quelque promesse, rendre un certain avenir — que je ne me haterai pas d’interpreter dans le langage religieux de la reconciliation ou de la redemption, de l’expiation ou de 1’absolution.
Cette tache contradictoire et aporetique, en serais-je capable?
Point encore. Et c’est pourquoi, sentant bien que je cours a Techec, je commence par vous remercier dans la formę du pardon demande. J’en suis encore a poser des questions, a me poser des questions. Ce langage de la gratitude, quand il doit resonner dans une universite, je me demande encore a quelle reserve il doit puiser.
B Doktorat 113