164 Annuaire de la Commission du droit international, 1975, voI. II
Faudrait-il simplemcnt nc viser dans cette regle quc les unions douanićres, zones dc librc-ćehangc, etc., sans plus prćciser le sens de ces notions (comme c’est souvent le cas dans les traitćs bilatćraux) ? On arriverait alors a un rćsultat qui — pour reprendre les termes de la CIJ —, compte tenu des «controverses tres importantes, non encore resolues, auxquclles ont donnć lieu la portee et le sens de cette notion, ne peuvent que susciter d’autres doutes quant au caractere virtuellement normatif de la regle 620 ».
65) Compte tenu de ces circonstances, le Rapporteur spćcial a conclu que, attendu qu’il ne peut etre degage de regle coutumiere de droit international etablissant une exccption implicite a 1’egard des unions douanićres, zones de libre-echange, etc.; que la pratique generale des Etats est d’inscrire dans leurs traitćs toute exception qu’ils souhaitent ćventuellcment faire en ce qui concerne 1’octroi du traitement de la nation la plus favorisee; et que rien nc prouve irrćsistiblemcnt qu’il soit souhaitable dc substituer une regle generale aux arrangements particu-liers des parties, le mieux est de laisser les choses en Fćtat.
Le Rapporteur spćcial a souligne qu’on ne saurait trop insister sur Pimportance de la qucstion. Dans les rela-tions entre les Etats parties au GATT, Particie XXIV regle plus ou moins la question. Dans les relations entre ces Etats et ceux qui n’ont pas adhćre a PAccord generał, et dans les relations entre les Etats mcmes qui n’ont pas adhćrć audit accord, des stipulations prevoyant des exceptions a une clause de la nation la plus favorisćc sont tres frćquentes. Lorsque ces exceptions comportent une rćfćrence a une union douaniere ou zonę de libre-echange, etc., le probleme est plus ou moins rćglć selon le degrć de precision de la stipulation. Lorsque des exceptions sont prevues dans d’autres matieres, mais non au sujet des unions douanićres — comme, par excmple, dans le traitć dc 1965 entre 1’URSS et PAustralic, cite plus haut621 —, le Rapporteur spćcial estime que Pon nc peut passer outre au principe inclusio unius, exclusio alterius. Restent alors les cas, vraisemblablement assez rares, dans lesquels la clause n’est assortie d’aucune exception stipulće. On pourrait assurement soutenir que le probleme — s’il en existait un — est marginal, meme s’il est aggrave, dans les cas d’espece, par Papretć du differend entre la partie qui n’a pas ćtć suffisamment prudente lorsqu’cllc a rćdige le traitć et celle qui estime qu’il a ćte porte atteinte aux droits et intćrets qu’elle tire de la clause.
Compte tenu des considerations qui precedent, le Rapporteur spćcial n’a pas propose de regle prćvoyant que les avantages accordćs dans le cadre d’unc union douanićre ou autre association d’Etats analogcc n’en-traient pas dans le champ d’application de la clause de la nation la plus favorisee. A son avis, il s’agissait d’un conflit d’obligations dćcoulant de traitćs. Celles-ci sont rćgies par les dispositions genćrales du droit des traitćs (voir art. 30, par. 5, de la Convention de Vicnne). II a toutefois reservć sa position, qu’il se propose de rcvoir, compte tenu dc la suitę dc ses travaux sur 1’appli-cation dc la clause dc la nation la plus favorisec en cc qui concerne les pays en voie de dćveloppement. A cet egard, il est dans ses intentions de tenir dGment compte des vues de la CNUCED sur le role quc joue la clause de la nation la plus favorisee dans les ćchanges entre pays dćvcloppćs622.
66) Bień que la Commission n’ait pas examinć la ques-tion a fond, quelques-uns des membres ont approuve la mćthode et les conclusions du Rapporteur spćcial, telles qu’clles sont exposćes dans le present commentairc 623.
67) En revanche, les conclusions du Rapporteur spćcial n’ont pas satisfait d’autres membres dc la Commission, qui ont rćservć lcur position. On a dit quc 1’unification des Etats pouvait se faire de deux manićres : ou bien en une fois, et il y avait alors formation d’un nouvel Etat qui mettait automatiquement fin a 1’application de la clause, ou bien progressivemenl, et il existait alors une quantitć dc Solutions intermediaires impossibles a dćfinir clairement k 1’hcure actuelle. C’ćtait le deuxiemc cas qui posait le problćme. 11 ćtait vrai que 1’atteinte k la clause de la nation la plus favorisee ou a un regime de non-discrimination par une union regionale ćtait tres grave. Par cxcmple, lorsquc les six pays europeens qui devaient fonder les Communautes europćennes avaient essaye de crćer la Communautć europeenne du charbon et de 1’acier, ils s’etaient heurtes aux engagements du GATT, mais, le droit du GATT ćtant assez souple, ils avaicnt reussi a faire admettre leurs accords economiques. Par contrę, lors de la conclusion du Traitć de Romę, 1’opi-nion avait prevalu au GATT que cette union douaniere modifiait tellement les conditions genćrales de fonction-nement du GATT qu’il ćtait impossible de Paccepter; le Royaume-Uni et les pays membres du Commonwealth avaient formule des objections qui n’avaicnt jamais ćtć formellement levees. La situation avait ćte encore plus tragiquc dans le cas de 1’OECE : lorsque le Royaume-Uni avait demandć a bćnćficier de la levće des restrictions quantitatives que les Six avaient dćcidec entre eux, ceux-ci avaicnt refuse, et la tension au sein dc 1’OECE ćtait devenue telle que cet organisme avait fini par disparaitre. On a reconnu qu’il s’agissait la d’un probleme trćs difficile ci rćsoudre, mais qu’on ne pouvait pas refuser aux Etats le droit de dćvelopper un foyer de vie regionale intense. La Commission ne dcvait pas prendre une position trop rigide sur une question aussi politique.
68) On a egalement dit que, dans le cas d’une clause de la nation la plus favorisće, 1’accord ćtait toujours rćdige dans un certain climat d’expectative et dans des limites dćfinics, de sorte que Iorsqu’iI se produisait un change-ment si profond qu’il depassait la portee des questions ayant fait 1’objet de 1’accord, il ćtait gćneralemcnt entendu que les accords confćrant le traitement de la nation la plus favorisćc ne constituaicnt pas un obstacle k la liberte des Etats de se dćvelopper de divcrscs manieres. Cela ćtant, on a estimć que tant la pratique que la raison voulaient que, lorsqu’un Etat devenait membre d’une
#M Affaircs du plateau Continental de la mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969, p. 43.
•n Voir ci-dessus par. 28.
•M Voir Annuaire... 1970, vol. II, p. 254, doc. A/CN.4/228 et Add.l, annexe I.
•” Voir ci-dessus par. 25 k 65.