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2) Au niveau local la succession fut certainement beaucoup plus douce par 1’adoption d'un style d?administration indirec^e. En effet, le territoire senegalais fut divise en cantons s'inspirant des anciennes subdivisions royales et qui furent confies le plus souvent a des titulaires justifiant de titres anciens, cfest—a-dire les anciens cadres monarchiques, dans la mesure de leur colla-boration a la presence franęaise. Ces anciens kangame, diaraf, etc. etaient sous 1*autorite directe du comraandant du cercie (qui etait la circonscription administrative large)et du chef de subdivision
(qui est la circonscription restreinte). Ils sont principalement les intermediaires entre la population et 1*administration dans les domaines les plus Varićs (impots, conscription, ćalamites, hygiene, recensement, luttes acridiennes, etc ...) mais ne disposent plus de droits fonciers precis dans le domaine de la repartition des terres En effet, la disposition des terres depend en premier lieu de 1* autorite coloniale, la misę en valeur etant confiee k une autorite plus restreinte, le chef de village.
3) Transformation de 1’autorite villageoise. L^dministra-tion intervient rarement dans le choix des chefs de village qui furent nommes selon les traditions locales, cfest-a-dire qufils furent les descendants dfune ancienne autoritś administrative (diaraf en particulier) laman , ou, en leur absence, elus par la population pourlours qualites personnelles ou familiales.
Seulesteurs qualites de representant, librement accepte par la population, comptent pour 1*administration, ainsi qu*un minimum de loyalisme. Mais la fonction est changee dans la mesure ou la responsabilite dea actes est detachee de la responsabilite plus globale de la coramunaute. II devient donc beaucoup plus l1agent local de 1'administration que le porte-parole de celle-la. On exi-ge ainsi de lui des qualites de fonetionnaires qui n'etaient pas recherchees dans la conception traditionnelle et on lui attribue des prerogatives en se fondant sur la notion d'une propriśte collec tive villageoise qui aboutissent en fait a une remise en cause de l*equilibre interne de la collectivitś. Au lieu d*etre le deleguś des differents lignages chargś dłassurer la cohśsion et le ' ien-etre des membres du village, il se voit pouvu de charges qu- sont moins en rapport avec des qualites de sagesse et de conseil que celles d?ordre et de decision. La distorsion ainsi opśree aboutira dans nombre de cas a faire prevaloir les interets particuliers du borom deuk sur ceux des autres villageois, ou a une incapacitd a relier les contraintes prćsentes aux imperatifs anciens. Ceci est particulierement important en matiere fonciere ou, se tablant sur le ,,collectivismen, on lui donno le pouvoir de gerer le patrimoine villageoia a sa guise. Ccci est sans inconvenient quand le titulai-re est un laman qui a conscience de ses devoirs plus que de ses droits. Cela est plus grave lorsque 1*autorite ne se sent liće par aucun frein. La situation sociale et juridique du paysan est peut etre alors encore pire que sous la royautś, car ce chef, selon l*exemple de Campistron (1939) P. 138, non seulement "distribue les terrains du chef de village" mais encore "reęoit obligatoire-ment pour ces terres collectives a titre de remuneration une rede-vance ( ssaka) payable par chaque chef de concession'^. Les droits de lfagriculteur se trouvent ainsi moins bien proteges que sous lfepoque royale ou c*etait moins le paysan que le chef de la commu-naute qui avait a souffrir de 1'autocratie centrale.