Comptes rendus
Les gars de la marinę - Ethnographie d’un navire de guerre
Serge Dufoulon,
L’ouvrage de Dufoulon se presente comme un rćcit, retraęant fembarque-ment et 1’installation progressive d*une equipe d’ethnologues a bord d*un navire de guerre. Le livre est construit autour du temps dłune traversee - depuis Temme-nagement sur le bateau a quait jusqu’au retour au port. Cette tramę narrative est en partie fictive car łe voyage racontć correspond, en realite, aux sejours suc-cessifs (entre 1993 et 1997) des ethno-logues (Dufoulon,Trompette et Saglio), au sein de deux frśgates anti-sous-marines de la Marinę nationale: le “Georges Leygues” et le “Moncalm”. Loin d*etre arbitraire cependant, Tadoption de la temporalite d’une traversće vise a faire comprendre au lecteur que le sejour en mer joue un role determinant dans Tac-quisition d’un sentiment d*appartenance a rćquipage du navire de guerre. Ce theme constitue, en effet, le fil conducteur de l*ouvrage et debouche sur la question, centrale dans le livre, de 1’identitó sociale des marins.
L’EXP£RIENCE DU BATEAU ET LA PRODUCTION DE SAVOIRS
sp£cifiques
Ce navire est habitś par un groupe d*hommes jeunes — l’age modal s etablit, en effet, a vingt-sept ans et seuls vingt hommes ont depasse quarante ans — comprenant differentes categories hierar-chiques: officiers (au nombre de 25), “officiers-mariniers-superieurs” (45),'*offi-ciers-mariniers” (97), Mqua^tiers-ma^t^es,, et "matelots" (96, dont 40 appelśs). Le navire est compose de trois niveaux: i 1’etage superieur, les espaces reserves au commandant et aux officiers supśrieurs, tandis que les etages inferieurs, qui com-prennent notamment les espaces com-muns et la cafetśria, sont occupćs par les officiers-mariniers et le reste de Fśqui-page. Le compartimentage de 1’espace s ef-fectue ainsi selon une organisation pyra-midale, depuis le sommet jusqu’aux etages infśrieurs du bateau. La societe du navire est en effet hautement hierarchisśe et le “compartimentage” des lieux est Tune des “conditions nścessaires au bon fonction-nement du lien hierarchique” (p42). Dufoulon propose ainsi, pour rendre compte de ce monde, le concept de homo-hierarchicus, emprunte a Louis Dumont, car, souligne-t-il: “pour 1’ensemble du bord”, la separation des differentes categories de specialitśs,de grades et de terri-toires dans rexistence journaliere est peręue comme se referant a une “cons-truction totale de Tordre social”. Ces principes de distinction sont propre i 1’institution qui conęoit les rapports sociaux en tant que rapports de castes” (p43). La ligne de partage entre ces castes, precisement, passe par un clivage entre les officiers et le reste de l’śquipage.Car c’est dans cette rupture que les pratiques divergent: “des menus dśtails, cadres et objets de la vie quotidienne, autant de faęons de faire et d’etre qui renvoient ź des privil^ges associes au corps des officiers. Ainsi le service, relativement raffine dans les “carres” des officiers rompt avec le cadre de vie, plus rudimentaire, de la cafeteria, ou se restaurent les matelots (P43).
Dufoulon se refere, ensuite, a un concept emprunte k Goffman, celui dinstitu-tion totalitaire. Si le bateau se caractśrise, en effet, par Tunivers hautement technolo-gique qui y est implante,le rapprochement entre le navire et une unitć de production civile nłest guere pertinent du fait de la
^ducation et Socićtśs n® 3/1999/1
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