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Qui se connait quand elle sonne N’etre plus la voix de personne Tant que des ondes et des bois⁸⁴ !

Ce poeme de Paul Valery decrit le processus de revelation de la Pythie. Prophetesse antique, la Pythie entrait en transe pour se laisser envahir par la connaissance transcendante de l'avenir.

Mais ce que nous apprend vraiment la Pythie de Valery, c'est que la conquete de l'avenir doit se mettre en scene. Telle une actrice extraordinaire, elle transforme son corps pour en faire le receptable de la connaissance. La souffrance qui accompagne cette mutation a une valeur cathartique. Non que la Pythie n'entrait en transe en public pour le plus grand plaisir du peuple avide... Mais la transformation du « corps impur », qui soudain se met a parler d'une voix sainte correspond a un transfert: celui de 1'obscurite vers la lumiere, du bien vers le mai, du savoir vers 1'incertitude. La misę en scene de cet accouchement du savoir est une misę au monde. On peut s'interroger sur la fonction sociale de la Pythie, et notamment sur la dimension morale de cette fonction. En effet, si la dimension prophetique de la Pyhtie est aujourd'hui misę en avant, a la lecture d'Herodote entre autres, Jean Louis Combet lui trouve une dimension cathartique, celle d'exorciser et de purifier les consultants, de « maniere toute exterieure a la conscience⁸⁵» La Pythie se chargeait de tout.

Cependant, le genre prophetique en lui-meme a valeur de purification morale d'ordre cathartique. Mais cette purification ne se trouve non pas tant dans la misę en scene de desirs inavouables et d'instincts mauvais, mais bien dans 1'angoisse de 1'homme face a l'avenir. C'est le pouvoir d'exorcisme qu'implique la catharsis qui prevaut ici: Chomarat a montre combien en temps de crise est normal le repli sur les propheties nostradamiques, qui nous assurent qu'il y aura un avenir. L'emphase prophetique exorcise les craintes que souleve le present.

La poetique prophetique tient tout d'abord en sa capacite a remplacer chez le lecteur la peur panique par l'inquietude dans son sens etymologique d'agitation, d'attente voire d'excitation.

84    Valery, Charrnes, Larousse, 1991

85    Louis-Combct, Ascetisme et eudemonisme chez Platon, Armales Litteraires de l’Universite de Franche-Comte, 1997