Doc. No. 7.
LE VICOMTE L. DE POITIER
A DROUYN DE LHUYS, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
Rostock le 18 mars 1863 Reęu Cabinet 24 mars 1863
D. n. 8
...La population de Rostock, de ses environs et meme du Meklembourg, h rexceptdon toutefois de la noblesse du pays, est generalement progressi-ve et liberale; elle demande de grandes reformes qui sont reellement nścessaires pour le bien du pays, qui se trouve etre le seul de TAllemagne avec toute ses vieilles institutions et lois qui datent de plusieurs siecles.
Cette population progressive et liberale se divise en au moins deux categories: les modśrós et les exaltes. Les moderes sont en plus grand nombre, les exaltćs ne sont pas encore precisement ce que nous appelons les democrates avancśs; ce sont en gćneral les avocats, qui sont nom* breux en Meklembourg, et quelques commeręants. Ils font partie des grandes societes liberales et democratiques qui existent en Allemagne; des personnes riches, bien posees, de Rostock et meme des membres du Senat, qui font partie de cette categorie, sont des gens d'action sur lesquels on compte et qui jouissent de la confiance des masses.
Toute la population meklembourgeoise est tout a fait sympathique au soulevement de la Pologne, c’est avec une grandę joie qu'elle Ta vue prendre les armes contrę les Russes, qui generalement ne sont pas aimes; elle fait des voeux pour la voir s'affranchir du joug tyrannique et cruel qu'ils font peser sur ce malheureux pays. Quant a la partie exaltee, elle a eu la meme joie et a ete encore plus contente de cette insurrection car elle a pressenti de suitę que cette prise d’armes reveillerait les sympathies de toutes les puissances de TEurope pour cette malheureuse nation; ils ont pens6 que de cette question il pourrait en surgir quelques grandes complications pour la politique europeenne.
La Convention militaire Russo-Prussienne45 > dont on nie aujourd’hui rexistence, ou dont on voudrait attenuer la portee, a produit un penible effet et soulevś des cris d^dignation; des propos injurieux et menaęants ont ete tenus contrę le Roi de Prusse et son cabinet qui violaienjt le principe de non-intervention et qui degradaient la nation prussienne et son armee, en se faisant les defenseurs d’une cause injuste, qui avait pour elle les sympathies de toutes les nations civilisees.
L'arrestation de plusieurs jeunes polonais a Thom, par 1’autorite prussienne et leur remise entre les mains des troupes russes, a souleve une bien plus grandę indignation, elle a fait tomber le demier vestige de consideration et de respect que -les gens du parti moderś avaient encore conserves pour la personne du Roi de Prusse.
45) La convention d’Alvensleben conclue le 8 fevrier 1863.
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