LA COOPERATION INTERNATIONALE DANS LE DOMAINE DES SCIENCES SOCIALES esąuisse d'un bilan par Jean Meynaud
Durant la dernidre dćcennie, on a pu noter un dć-veloppement sensible de la coopśration internatio-nale dans le domaine des Sciences sociales. Ce fut ld, pour une bonne part, le rćsultat de 1'acti-vitć de nombreux organismes se proposant de ras-sembler, sur le plan international, les spćcialistes des diverses Sciences sociales en vue d'atteindre des objectifs communs. De tels organismes exis-taient dćjd depuis un certain temps pour quelques disciplines ; mais, dans la majoritć des cas, faute de moyens administratifs et financiers, leur ac-tion demeurait limitće et m$me sporadique. Les transformations survenues depuis la fin de la se-conde guerre mondiale ont essentiellement consis-tć d couvrir systśmatiquement 1'ensemble des Sciences sociales d'un rćseau articulć d'organismes reprśsentatifs, bćnćficiant des ressources indis-pensables d l'exercice d'une activitś suivie et cohdrente.
L'Unesco a jou6 un rOle dćcisif dans cette orien-. tation nouvelle, particulidrement en assurant la crćation d'une Association internationale pour cha-cune des grandes disciplines des Sciences sociales - Sciences 4conomiques, science politique, socio-logie, ... - et en fondant, pour permettre la col-laboration indispensable entre les diverses Sciences sociales, plusieurs organismes interdisciplinaires, dont les plus marquants sont le Conseil international des Sciences sociales et le Comitś international pour la documentation des Sciences sociales.
Notons au passage qu'il ne s'agit pas ld d'unphć-nomfene isolć. L'activitć des organisations non gouvernementales constitue untrait, spćcialement intćressant. de la situation prśsente. Dans son dernier annuaire, 1'Union des associations inter-nationales a recensć plus de 1.050 organismes de ce type, couvrant pratiquement tous les domaines de la vie et des relations sociales. Or, par suitę d'une pćnurie fort regrettable de chercheurs, cet important secteur de lacommunautć internationale reste extr£mement mai connu. Les organisations gouvernementales (et, en premier lieu, 1'ONU), font 1'objet d'un flot continu d'ouvrages, de th&ses et d'articles qui, tr£ssouvent, se bornent d mettre en oeuvre des notions fort banales et sans cesse reprises. Par contrę, les publications ayant trait aux organes non gouvernementaux restent raris-simes. A notre connaissance, depuis l'ouvrage de Lyman C. White, International non-governmental organizations (publić en 1951 et aujourd'hui ćpuisć), aucune ćtude d'ensemble n'a śtś consacrśe ausujet.
Cette lacune affecte naturellement la th£se de la coopćration dans le domaine des Sciences sociales.
La connaissance des difficultćs rencontrśes et des rćsultats obtenus par les diverses associations se rćvdle fragmentaire et, en gćnćral. superficielle: seul un petit cercie d'initićs possMent.en la ma-tidre, une information de prem^re main. Dans bien des cas, les revues professionnelles ne four-nissent qu'une documentation restreinte sur la question : presque jamais elles ne tentent d'en don-ner une vue globale.
Dds lors, la prśsente analyse ne saurait avoir d'autre ambition que d'§tre une simple esquisse. La situation serait probablement diffćrente s'il avait śtć possible d 1'Union des associations internationales d’appliquer le programme systćmatique d*ćvaluation dressć voici quelques annćes. Malheureusement, les fonds nćcessaires d la rćalisation de ce projet n'ont pu etre rassemblćs. En 1'absence de donnśes rigou-reuses, cette ótude conservera donc un caractdre impressionniste : on tentera cependant de demeurer le plus prds possible des faits.
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Au sein d'un monde de conflit total, oii la culture elle-meme tend d 6tre englobśe dans les stratś-gies nationales et rćgionales, les organismes que nous ćtudions ici se sont heurtśs aux obstacles queconnaft, d notre ćpoque. toute tentative de coo-pćration internationale en profondeur, od qu'elle se situe. Plusieurs d'entre eux ont fait leurs pre-miers pas d un moment od la guerre froide attei-gnait son point culminant. Par leur caractdre gć-nćral, ces tensions ćchappent d notre analyse. centrće sur un domaine particulier ; cependant, on ne devra pas oublier qu'd divers moments - et spćcialement de 1949 d 1954 - l'expansion des organismes de Sciences sociales, qui s'occupent normalement de questions sur lesquelles les oppo-sitions idćologiques restent tr£s marquśes, a pu 6tre sćrieusement entravće par la lourdeur du climat politique.
D'autre part, chacun de ces organismes a effec-tivement rencontrć un certain nombre de difficul-t6s particulidres, tenant d 1'ćtat prścis de la discipline en cause, voire d la position de personna-litćs occupant une situation ćminente au sein de cette discipline. II serait extrGmement dćlicat, et probablement assez vain, d'exposer ces diffi-cultćs, dont quelques-unes n'ont eu que des inci-dences temporaires ; n'oublions pas, malgrć tout, combien 1'action et aussi les prćtentions de cer-tains ćlćments peuvent freiner le ddveloppement d'institutions naissantes et, d tout le moins, soulever
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