DOCTRINE 513
volee n’est jamais sortie de 1’entreprise. II est donc permis de considerer que dans les soustractions nouvelles, nees apres la soustraction materielle, la soustraction peut se realiser, d’une part, par simple usurpation d’une prero-gative du droit de propriete et, d’autre part, sans deplacement materiel de la chose d’un patrimoine dans un autre.
Peut-on cumuler ces deux possibilites ? L’arret Logabax Pa fait. Le vol re-connu dans cet arret est en efFet un vol par usurpation d’une prerogative juri-dique (la prerogative de reproduction) qui a porte sur une chose (le docu-ment reproduit) qui n’a pas ete deplacee. Cependant, on Pa vu, le document declare vole dans cet arret ne Pa pas vraiment ete et, de faęon generale, il semble, du moins a priori, que le cumul envisage ne puisse etre opere qu’au prix d’une meconnaissance de la notion de soustraction. En efFet, s’il suffit, pour commettre un vol, d’usurper une prerogative du droit de propriete, sans avoir a deplacer la chose, il suffira, pour devenir voleur d’un fauteuil ou d’une voiture, de s’y asseoir a Pinsu et contrę le gre du proprietaire. Or, il est clair que la reconnaissance de la soustraction est alors choquante. On pourrait donc penser que la notion de soustraction par usurpation d’une pre-rogative et sans deplacement materiel de la chose est a la suitę de Pevolution de la notion de soustraction intellectuellement concevable mais, juridique-ment, inacceptable, parce que incompatible avec Pidee de soustraction.
En realite, cette incompatibilite ne joue que si Pon raisonne sur une chose exclusivement materielle. En efFet, soustraire, c’est d’abord diminuer. Or si la chose est materielle, on ne peut diminuer le patrimoine de celui auquel elle appartient qu’en la Faisant sortir de ce patrimoine et donc en la depla-ęant. En revanche, si Pon raisonne sur une chose materielle contenant une richesse privative incorporelle, telle par exemple, une pile chargee d’energie, susceptible de constituer un bien, point n’est besoin de deplacement materiel de la chose pour qu’il y ait soustraction. En dechargeant de son energie une pile, je diminue necessairement le patrimoine de son proprietaire sans avoir a deplacer cette pile de la ou il Pavait misę. Certes, on considerera, peut-etre, qu’a ete commis un vol d’usage de la pile elle-meme mais, alors, le voI portera sur Pinfrastructure materielle de la pile. Or, sous le rapport de cette infrastructure materielle, il n’y a eu aucune soustraction puisque cette infrastructure n’a ete ni deplacee, ni amputee, ni diminuee. L’idee de soustraction n’est alors compatible qu’avec Penergie : Penergie est sortie de la pile (idee de deplacement) et par suitę du patrimoine de son proprietaire (idee de diminution patrimoniale).
Ce raisonnement peut etre transpose a Phypothese d’une reproduction sur place, de document contenant une information constituant un bien apparte-nant a autrui. A Pegard du document, on ne peut retrouver les criteres de la soustraction. En revanche, ces criteres peuvent jouer a Pegard de Pinforma-tion seule : par la reproduction, Pinformation est passee dans le patrimoine de celui qui reproduit sans droit (deplacement) et ce faisant, Pagent s’est approprie une chose appartenant a autrui dont le patrimoine a perdu de sa valeur (diminution).
Certes, il reste, toujours, qu’a la difference de Penergie de la pile Pinformation demeure entre les mains de son proprietaire mais, mutatis mu-tandis, elle n’est, elle aussi, qu’une enveloppe dont le contenu patrimonial est diminue parce que c’est le caractere privatif, confidentiel qui donnę a une information la valeur qui permet de la considerer comme un bien. En cela,
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990