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Us suivirent un sentier qui s'enfonęait entre des dunes de sable rouge, ou s'accrochaient de loin en loin des pins en parasol a moitie deracinćs. Cetait l'aridite du Sud africain. Des cailloux s'eboulaient, dans les descentes, sous les pas des anes; on traversait des lits de torrents desseches, et toute la terre apparaissait d'une misere farouche, comme entre le Camp-des-Zouaves et Boghari. Le sentier etant trop fort etroit, Rafael ne pouvait gućre causer avec son cousin, qui le precćdait. Mais a mesure qu’ils se rapprocherent du vil-lage, la piste devint plus large; ils commencerent a cheminer cóte a cóte.3*0
On en arrive a la conclusion qu'il est donc possible de s'accaparer l'espace sans avoir pense a 1'indigene qui a perdu sa terre et n'a plus le droit d'etre maitre de son tcrrain; cette possession de ce qui n'est pas Phomme s'avere possible, tandis que la domination de 1'Autre est beaucoup plus problćmatique, d'ou cette tendance a passer sous silence les temoi-gnages de la presence de 1'indigene.
Randau se soucie de la veracite du roman colonial, «paraissant oublier qu'un roman est d'abord de la fiction, de l'art, avec 1'ecart inherent dans 1'ecriture entre la creation de l'ecrivain et le yecu.))3®1
Preoccupe par l'idee du roman colonial vrai ou meme naturaliste a la faęon bertrandienne, Randau excelle dans les descriptions rćalistes, nous montrant ainsi la demeure indigene (entre autres la description de 1'inte-rieur de 1'habitat du caid que nous avons deja citee), les constructions typi-quement arabes comme celle-ci
Au nord-est, une construction a coupole, badigeonnee de chaux bleuatre, commćmore un haut-lieu de l'antiquitć berb^re. La t^aba se mele aux roches ruiniformes et se trempe de lumiere violente. [...] C'est la terre aux dieux sanglants, la terre des sacrifices a Moloch, roi des ćpouvantes, seigneur des forces logiques et implacables; c'est la terre farouche qu'ensanglanterent jadis les tueurs d'hommes, et qui dedie aux pretres exterminateurs les par-fums des ses vallees voluptueuses [...]• Le territoire avait jadis foisonne de lions; dans les tribus on racontait les legendes de Celui-des-Forets [...J.3*2
La fonction mathesique de cette description apparait indeniabie; Randau reviendra a plusieurs reprises aux origines berberes des autochto-nes ainsi qu'aux temps lointains ou les Ethiopiens blancs habitaient cette terre. La fonction mathesique, fondee sur le savoir scientifique de 1'auteur, ne demeure pas objective du fait d'une tendance trop visible a indiquer
380 L. Bertrand, Le Sang des Ruces, op. cit., p. 270. Ml J. Dćjeux, «Robert Randau», op. cit., p. 96.
382 R. Randau, Les Colons, op. cit., pp. 119-120.