Apres avoir de nouveau traversć le jeune Columbia, le train fait l’as-cension d9une troisieme chaine et, par 1‘Eagle Pass et le Gold Rangę, arrive au grand Lac Shuswap. Alors le touriste qui est venu sans s'ar-reter a pu admirer pendant seize heures les plus beaux paysages des mon-tagnes d’Anićrique et abasourdi par tout ce qu’il a vu et entendu il est alors trop fatiguć pour approuver ou contredire son voisin qui prćtend que ces heures empourprćes de soleil couchant sont les plus dćlicieuses de toute la journće. Et comme si cela ne suffisait pas pour un voyage transcontinental, suivent les splendeurs du soleil levant, allumant de ses rayons roses, oranges et vermeils les escarpements de la gorge de la Rivićre Thompson. Enfin une belle course le long du Fraser vers la mer et un dernier ćlan a travers les forets de la Cascade ou des arbres gigantesques et un enchevetrernent de fougeres et de broussailles indi-quent un changement de cli mat et de latitude.
A Vancouver la meme Compagnie prevoyante a ćtabli un hotel encore meilleur et, bien qu*il soit situć au cueur de la ville, on y jouit d’une fort
belle vue. Vers le sud on voit briller le Mont Baker, vancouvcr. pyramide ćtincelante de neiges ćternelles, qui exerce
sur vous une fascination ćtrange et croissante et que les habitants de Vancouver contemplent avec un sentiment qui ressemble a Paffectueuse vćnćration des Japonais pour leur Fujiyama sacrć. Le port est coupć par un mur de montagnes et derri&re se trouve le lac dont les eaux alimentent la ville; les conduits sont posćs au fond du che-nal dont les eaux sont si claires qu’il est difficile de croire qu,elles soient salćes.
Dans ses eaux nagent une telle quantitć de mollusques et de mćduses comme il est possible seulement d’en trouver dans les eaux tropicales et,
& niarće basse, les piles des anciens quais offrent le spectacle d’un aqua-rium et d’un musćum ou se trouvent des spćcimens du monde marin assez intćressants pour perraettre de demander un prix d’entrće sur les cótes de PAtlantique.
Si le voyageur se voit obligć d’attendre quelques jours avant de s’em-barquer, Vancouver offre assez d'attractions pour Tintćresser. Ses rues * sont une mćlange de frontićre et de port de mer, de centre minier et de foret vierge, de populations de toutes conditions, d’origine europć-enne, orientale et amćricaine. Un magasin de curiositćs vend des paniers; des objets sculptćs en argent et en ardoise sont apportćs en canot par les Indiens de la cote ; & la porte voisine tous les produits de 1’Orient sont ćtalćs par des marchands Chinois et Japonais, dont 1’assortiment s’augmente et varie avec l’arrivće de chaque steamer. Une niontagne de caisses de tlić est dćbarquće & chaque arrivće de Y “ Enipress,M et une montagne de sacs de farine et de balles de coton prend leur place. Dans une boutique Ton voit les dćlicates balances du bijoutier pesant la poussiere d’or retirće de sacs en peau de daim ou de boites en fer blanc; ailleurs, un Chinois aux mains jaunes manipule les balances tendues de scie avec lesquelles est pesć 1’opium vendu au fumeur. Une rue garnie de villas propres, dont les pelouses et les jar-dins sont bien tenus, formę une allće k travers une foret vierge, et les neuf milles de route carrossable & travers Stanley Park, passent i travers une foret aussi dense qu’une foret trcpicale. Ou le sombre sapin de Douglas ćtend sa vćgćtation la plus ćpaisse, il y a seulement un rayon
12