les tragedies antiques, les ecrits de Shakespeare, les tragedies de Racine, les ecrits de Kant et de Pascal, un certain nombre dc sculptures de Michel-Ange et probablement certaines autres ceuvres de diverse importance«.20
ecrit Goldmann. En fait, la theorie de la vision tragique qui lui ser-vira a explorer les ceuvres qu’il etudie est essentiellement hćritće dc Kant, Pascal et Racine. Reprenant les themes developpes par Lukacs dans le chapitre de 1'Arne et les Formes intitule Metaphysiąue (lc la tragedie, Goldmann prolongeait 1’inspiration fondamentale de cette aeuvre de jeunesse mais en la lisant a la lumićre de ses ecrits ulte-rieurs, c’est a dire en tentant de la rattacher a des situations histori-ques:
»Le probleme central de la pensee tragique, probleme que seule la pensee dialectique pourra resoudre sur le plan en meme temps scientifique et morał, est celui de savoir si dans cet espace rationnel qui a, definitivement et sans possibilite de retour en arriere, remplace 1 ’univers aristotelicien et thomiste, il y a en-core un moyen, un espoir quelconque de reintegrer les valeurs morales supra individuelles, si 1’homme pourra cncorc rctrouvcv Dieu ou ce qui pour nous est synonyme et moins idćologique: la communaute et l’univers.«21
La voix de Dieu ne parle plus d’unc maniere immediate a 1’homme, c’est l’un des points fondamentaux de la pensee traginue: Dcre tu es Deus absconditus« ecrit Pascal - le Dieu Cache Goldmann nous dit qu’il ne faut pas chercher a attenuer le sens fort de cette pensee de Pascal en la ramenant au »bon sens«:
»Le Dieu cache est pour Pascal un Dieu present et absent et non pas prćsent quelquefois et absent quelquefois: mais toujours present et toujours absent.«22
C’est ce Dieu toujours present et toujours absent qui est au coeur dc la tragedie. Lukacs l’avait remarquablement compris lorsqu’il ćcri-vait deja en 1910:
»La tragedie est un jeu, un jeu de 1’homme et de sa destinće. un jeu dont Dieu est le spectateur. Mais il n’est que spectatcur, et jamais ni ses parolcs ni ses gestes ne se melent aux parolcs et aux gestes des acteurs. Seuls ses yeux reposent sur eux.«23
Mais quel monde historique peut correspondre a cette formę parti-culićre de la conscience tragique. La tragedie est toujours liee a un monde — social ou cosmique —, et si le probleme central de la tragedie est de savoir si 1’homme sur lequel est tombć le regard de Dieu peut encore vivre, le monde de la tragedie se definit ainsi:
*• D. C. p. 32.
,l D. C. p. 45.
M Ibidem p. 46.
*• Ibidem (citć par Goldmann) p. 47.
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