Comme la ąuerelle ąuietiste n'etait qu’une phase dans la lutte contrę cette poussee mystique, elle fut suivie en Hollande avec une extreme attention. Un gazetier hollandais essaya de gagner un janseniste a Taffaire de Fenelon, en le mettant devant le dilemme de sauver Jansenius avec M. de Cambrai ou de le perdre avec lui, puisąue 1’Eglise ne serait pas infaillible sur un livre et faillible pour 1’autre 423). Le pauvre janseniste se trouvait la dans une situation embarrassante. Nous ne savons pas s’il sen est tire. Si ce n’est pas le cas, Bossuet aura perdu le seul sympathisant que nous ayons pu trouver pour lui dans ce debat.
La Lettre dfun Ecclesiastiąue de Flandre a un de ses amis de Paris, ou U demontre rinjustice des accusations que fait M. lfEveque de Meaux contrę M. I*Arclieveque de Cambrai dans son livre, qui a pour titre Divers Ecrits ou Memoires sur le livre intitule Explication des Maximes des Saints421), a un de ces titres prolixes qui sont assez eloquents par eux-memes. Nous ne savons pas si parmi les catholiques, chez qui son autorite etait tres grandę en ce moment-la, Bossuet a eu des defenseurs dans 1’affaire quietiste. C’est bien probable. Seulement leurs voix ne nous sont pas parvenues, que nous sachions. Celles des protestants n’en sont que plus nombreuses, et sans aucune exception elles se declarent pour Tarche-veque de Cambrai. II vaut la peine d’ecouter leurs arguments.
La condamnation du „martyr de la theologie mystique”, declare un editeur des Avantures de Telemaque 425) dans sa preface, a plutót fait voir le grand credit de Bossuet que la justice de la cause. Mais M. de Meaux avait pour animer son żele d’autres motifs que ceux de la religion. Fenelon avait souhaite, sans la briguer d’ailleurs, la charge d’aumónier de madame la duchesse de Bourgogne, que Bossuet avait obtenue. Devenu archeveque de Cambrai, P^enelon s'etait demis d’une abbaye, puisque le revenu de son archeveche lui suffisait. Son exemple de desinteressement condamnait hautement la conduite de M. de Meaux. Aussi celui-ci cherchait-il des pretextes specieux pour detruire son adversaire. Le Hvre des Maximes lui a fourni tout ce qu’il souhaitait, et comme la conduite de Fenelon ne don-nait pas de prise, il a voulu le confondre avec Mad. de Guyon. Bien qu’on nJait pas voulu comprendre le vrai sens du livre, Tauteur s’est soumis entierement au papę. Mais Bossuet, jamais content, revient a la charge et attaque un homme qui ne se defend plus, rien que pour immortaliser sa gloire, en humiliant son adversaire qu'il ne croit pas encore assez com-battu. La posterite rendra bien justice a Fenelon.
Voila le canevas sur lequel ils ont brodę tous. La plupart le font avec des couleurs plus vives. Le fanatique Jurieu a sans cesse les mots de
423) Bossuet, Corresp., t. IX, p. 250, notę 9.
424) Liege, 1698.
425) Avantures de Telemaąue, La Haye, 1701, p. VI-XVI.
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