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pour avoir fiut tuer le frere du roi. Le recours a un tel raisonnement n’est en soi guere etonnant de la part d’un docteur Les artes praedicandi presentent le syilogisme conune un moyen parmi d’autres d’introduire ou de deve!opper le theme d’un sermon10. Mais les auteurs de manuels ne vont pas jusqu’a proposer aux predicateurs de reduire leurs sermons a de vastes syllogismes! D est vrai que Jean de Chalons a ecrit, dans la seconde moitie du XTV1 2 3 siecle, un traite ayant pour incipit: "Haec est ars brevis et clara faciendi sermones secuncłum formom syllogisticam, ad ąuam omnes alii modi sunt reducendi"2'. Mais malgre cette declaration d’intention, 1’auteur ne s’ecarte guere de la doctrine traditionnelle22. Quelles qu’en aient ete les motivations, le plan choisi par Jean Petit donnę en tout cas a son discours 1’allure d’un expose scolaire
La "Justification" debute par un long preambule. Apres avoir rappele les obligations du duc de Bourgogne a 1’egard du roi, et les siennes a 1’egard de son maitre, Jean Petit multiplie les precautions oratoires et les excuses de modestie: il se dit "de petit sens, povre de memoire, feble d’engin et tres mai aoume de langage". par consequent mai prepare pour traiter une si "haulte et perilleuse" matiere en presence d’une "si tres noble et soleimelle compaignie"2J Cette strategie rhetorique - car c’est bien de cela dont il s’agit, Jean Petit ne s’etant jamais distingue par son humilite - peut etre comprise comme une sorte de captatio benevolentiae, justifiee au moins en partie par le caractere inedit et, pour certains, scandaleux, de 1'apologie du meurtre du duc d’Oiieans En s’adressant a Benoit XIII quelques annees auparavant, Philippe le Hardi avait employe un procede semblable24 De leur cóte, les artes praedicandi recommandent aux predicateurs de faire preuve d’humilite dans leur exorde, pour se concilier 1’audit oire25.
Le theme du discours est emprunte a la premiere epitre de saint Paul a Timothee (6, 10): "Radne omnium malorum cupiditas, ąuam ąuidam appetentes erraverunt a fide et inseruenmt se doloribus mu/ns1' Comme il se doit, Jean Petit cite les autorites en latin, puis les traduit en
10 Th.-M. Chartand. op. cit.. p. 147.
” Cil£ ibid., p. 53
c J. J. Murphy. Rhetonc in the Kttddle Ages. pp. 336-337.
3 La chromąue d'Enguerran de \fonsirelet. ćd citće, L 1. pp 182-183. A la toute fin de son discours. Jean Petit ćvoque a nouveau son 'gros et rude emenderoent’ (ibid., p. 242).
Voir supra, pp. 49-50.
*5 P. B. RoterlS. loc. cit.. p. 80. J. J. Murphy. Rhetonc in the Kfiddle Ages. p. 308.