contróle-t-il cTaiUeurs toujours ses troupes, se demande le co-lonel Dia ? « Certains de ses hommes lui desobeiront. ils continueront le combat. s‘il leur ordonne daneter le mas-sacre. Ce sont justement les gens infiltres par les anciens partisans de Saddam. » « Nous n 'acceptons pas une attaque americaine sur les lieux saints de Nadjaf. ajoute de son cote Taleb, mais il n‘y a pas d'autre choix. » « On veut se debarrasser d'al-Sadr et de sa pegre ». renchśrit Mohammed Dia, qui avoue ne pas avoir pour autant de contacts operationnels avec les troupes americaines engatfóes
dans 1’assaut.
Selon lui, les deux tiers des habitants de Nadjaf se rejoui-raient si 1‘imam des gueux etait.dśfait, mais il y a les autres, note-t-il, cette minoritś qui le respecte, et qui honore en particulier la memoire de son p&re, un grand ayatollah, assassine avec trois de ses frfcres au printemps 1999 par les sbires du rśgime dśchu. Les Amśricains ont certaine-ment cet etat des lieux de 1'opinion locale en tete : ils sont prets a pousser leur avan-tage militaire. jusqu'au bout, quels que soient les risques politiques d’un assaut sur Nadjaf. la sainte.
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LE FIGARO vendredi 13 aoOt 2004
L’Armee du Mahdi a la recherche dallies
Des milliers de jeunes combattants inexperimentes, issus des quartiers desherites. souuent iilettres
L’Armee du Mahdi, des va-nu-pieds en quete de soutien. Portee sur les fonts baptismaux le 18 juillet 2003 par Moqtada al-Sadr au cours d’un preche incendiaire appelant a «la mo-bilisation generale » contrę les forces americaines en Irak, 1’Armee du Mahdi est compo-sće de milliers de jeunes com-battants inexperimentes, issus des quartiers chiites deshóri-tós. souvent iilettres, aisśment manipulables, mais rśsolus a se sacrifier pour mourir en martyr, perpetuant ainsi le mythe fondateur pour les chiites.
Les miliciens d’al-Sadr ne peuvent compter que sur un armement leger : des mi-traillettes Kalachnikov, des lance-roquettes RPG, des gre-nades a main et des obus de mortier. Ils operent en petits groupes mobiles. A Nadjaf, leur connaissance du terrain est leur principal atout. Chose peu connue : ils peuvent se ca-cher en se deplaęant dans un mysterieux reseau de tunnels et de caves sous la vieille ville et sous son antique necropole ; des galeries souterraines tres anciennes pour se proteger contrę la chaleur etouffante des longs mois d’śte.
Contrairement aux anciens militaires et membres des ser-vices de renseignements de Saddam Hussein, qui condui-sent la guerilla antiamericaine plus au nord dans les regions sunnites, leur inexperience militaire est rapidement appa-rue a leur mentor. qui utiUsa ses appuis dans le monde chiite pour tenter d’y reme-dier. Des l’etś 2003, quelques mois seulement apres la guerre qui chassa Saddam du pouvoir a Bagdad pour le plus grand plaisir de la majorite chiite du pays, les services de renseignements americains reperaient une centaine de cadres du Hezbollah libanais. en Irak. « Sadr enuoya des emissaires au Liban juste apres la guerre. explique un specialiste de la mouvance in-tśgriste qui souhaite rester anonyme. Les instructeurs du Hezbollah ont effectiuement trauaille aupres de lArmee du Mahdi. Mais dans le meme temps. r/ran. gui soutient le Hezbollah. est reste prudent. Teheran na pas uoulu salie-ner les autres partis chiites. que le regime des mollahs soutient egalement. » Sur une scene politique extremement volatile. 1’Iran. ou Moqtada al-Sadr s’śtait rendu des le 4 juin 2003. a longtemps hśsite a
jouer la carte des rebelles chiites.
Pour Teheran, la flexibilite est requise, et il s’agit avant tout de tester le meilleur « che-val » chez son voisin irakien. Au cours de sa semaine passee a Teheran, a 1’occasion des commemorations du 14* anni-versaire de la mort de layatol-lah Khomeyni, Moqtada al-Sadr rencontra le gratin de la Rópublique islamique, lui qui est pourtant un farouche de-fenseur d’un chiisme purement irakien. U eut des entretiens avec le numero un du regime, 1’ayatollah Ali Khamenei, le responsable du secteur de la Justice, Hashemi Sharoudi, ainsi, semble-t-il, et dans le plus grand secret, avec Qasem Souleimani, commandant de la Brigade al-Qods, une section speciale des services de renseignements des gardiens de la revolution.
Le voyage ne tarda pas a porter ses fruits. Al-Sadr autorisa ensuite que des portraits de Khomeyni soient placardes sur les murs de son bastion de Sadr City a Bagdad, immense bidon-ville a la peripherie de la capi-
tale. Parallelement, des figures pro-iraniennes acquircnt des responsabilites autour de lui. Ce fut le cas notamment d’Ali al-Baydani, qui devint l’un des principaux commandants de 1’Armee du Mahdi, apres avoir passe plusieurs annees au se-minaire religieux chiite de Qom. en Iran, ou al-Sadr peut compter sur son mentor l’aya-tollah Haeri. un proche d’Ali Khamenei. Cette lente montee en puissance de 1'Armee du Mahdi s’est faite avec 1’assenti-ment des Americains. occupes alors a traquer Saddam Hussein et a juguler la resistance sur le front sunnite. Ignorant un jeune predicateur - il n’a meme pas 30 ans - qui de plus est toise avec dedain par ses aines de Nadjaf, les responsables de la coalition laisseront ses hommes imposer leur łoi a Sadr City notamment. mais ils l’excluront du jeu politique.
Al-Sadr ne sera pas invite a participer au Conseil interi-maire de gouvemement. formę par Washington en juillet 2003. Les hommes d'al-Sadr sauront
egalement puiser dans un autre rśservoir de competences, plus inattendu. celui-la: leurs coreli-gionnaires chiites des fedayins de Saddam, 1'une des milices du dictateur reputóe pour sa fe-rocite dans la repression. Certains de ses cadres. qui onutrop dc sang sur les mains pouf es-perer une quelconque cle-mence, structureront alors l’Ar-mee du Mahdi, notamment a
Nadjaf. Union sacree antiamś-ricaine oblige: pendant le si&ge de Faludja en avril demier par l'US Army, des contacts seront noues entre rebelles chiites et sunnites. Les deux camps ont un lourd passe de haine, mais foin des divergences ideolo-giques, un seul objectif les ras-semble: chasser les Americains d’Irak. Des deux cótes. certains revent meme d'un axe al-Sadr-islamistes et nationalistes sunnites, qui recupererait le pou-voir une fois que l'experience
AHaoui aura śchoue.
C’est a ce moment-la egalement que Moqtada al-Sadr de-cide de pas-ser la vitesse superieure dans son opposition face aux troupes d*occupation. Aprós la liquidation par Israel de Cheikh Yacine, le leader du Harnaś a Gaza, le 22 mars, il declare publiquement que les Mahdi seront« le bras arme » du Harnaś et du Hezbollah en Irak. Ces paroles sont de trop aux yeux des Americains, qui tirent parti de la semonce de leur ennemi pour arreter un proche de Sadr et fermer une publication qui lui est proche. Sa premiere intifada est lan-cee dans le pays chiite. Elle lui permettra d’accroitre sa popu-larite hors de ses bastions tra-ditionnels. « On a sous-estime le cliuage entre chiites arabes et chiites dorigine iranienne. estime un analyste. Al-Sadr incarne la ligne arabe. Il sop-pose aux autres leaders chiites irakiens. comme Sis-tani et Hakim. dont les fa-milles sont originaires d’lran. » Contrairement a ces derniers, qui jouent la carte de la cooperation pacifique avec la puissance occupante, al-Sadr campe k la fois sur les deux tableaux de 1’islamisme et du nationalisme arabe. Trop sans doute, pour les strateges americains bien de-cides a le faire rentrer dans le rang.
G. M. (a Nadjaf)
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