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vains si orthodoxes dans leurs theories du roman colonial posent quelques difficultes. Seul Robert Randau aurait pu satisfaire aux exigences estheti-ques des Algćrianistes : Robert Amaud [son vrai nom (1873-1950)] est ne a Alger ou il est, d'apres Jean Dejeux, homme d'action, explorateur, admi-nistrateur de communes mixtes en Algerie, dans 1'administration coloniale en Afrique de 1'Ouest, en 1929 il est nomme Lieutenant Gouvemeur. Ses ouvrages obeissent aux criteres esthetiques ou plutót politiques du mouve-ment littćraire «L'Algerianisme», mais il est beaucoup plus «algerianiste» comme theoricien de cette ecole que comme «praticien»; il transgresse bien des fois les preceptes severes de son ecole esthetique.
Louis Bertrand, ce representant du grand roman colonocentriste, comme le veut Alain Calmes, est ne en France, en Lorraine; nommć pro-fesseur au lycee d'Alger en 1891, il y sejoume plusieurs annees, mais son regard porte sur 1'Algerie restera toujours le regard de quelqu'un d'exte-rieur qui n'est pas «du terroir» malgre ses nombreux voyages a travers 1'Algerie. Et que dire d'Andre Gide ou de Colette dont les voyages en Afrique ont un caractere plutót «touristique»? Paul Siblot parlant des problćmes lies a 1'acception du mot «colonial» rappelle que tous les dictionnaires definissent comme «co!onial» ce qui est «relatif aux colo-nies» ou ce qui «provient des colonies» (produits coloniaux). L'application de ces deux acceptions dans le domaine littćraire est problematique, car «provenant des colonies» designerait des ouvrages edites aux colonies, choix fautif parce que la plupart de ces textes ont ete edites a Paris. «Provenant des colonies» pourrait aussi caracteriser «une elaboration lit-teraire aux colonies, par des auteurs qui y sont etablis.»51 Mais ici une nouvelle difficulte intervient, continue Siblot, car les ecrivains produisent parfois des ouvrages «indigenistes» s'appuyant sur des valeurs humaines et riches en idees socialisantes ou ćlans sentimentaux et religieux (Isabelle Eberhardt, N.E. Dinet). Et ces textes ne peuvent sans embarras etre tenus pour coloniaux.52 «Provenant des colonies» peut aussi equivaloir a la lit-terature d'autochtones, mais dans un tel cas il serait difficile de parler de litterature coloniale; il s'agirait plutót de son rejet. Siblot sort de ce piege de definitions en ecrivant
51 P. Siblot, «L'Algćrianisme: fonctions», op. cit., pp. 81-82.
” Cette varićtć de roman n'est pas absente non plus de la littćrature polonaise : Les Dziurdzia d'E. Orzeszkowa, histoire d'une familie paysanne des environs de Grodno dont les vrais hćros sont les membres de la familie Dziurdzia prćsentćs dans toute leur cruditć, de meme que Les Paysans de Reymont avec les habitants rudes et simples d'un village de Mazovie, rćpondent au besoin de lecteurs assoiffes d'une altćritć radicale.