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Ils devront me faire tourner assez rapidement dans le verre (j'en ai d’avance le tournis!) pour que je veuille bien laisser echapper et leur livrer mes aró-mes secondaires, plus secrets et plus puissants.

Ils seront alors enfin autorisós a mc porter k leur bouche ou je subirai une epreuve epouvanta-ble, ballote en tous sens, une goulee d’air aspiree au moment opportun venant leur faire decou-vrir le plus profond de mon etre. Je leur aurai livrć la Teąuilibre de mes saveurs, ma finesse, mon corps ; et aussi mes arómes ter-tiaircs qui remonteront par leur gorge jusqu’au haut de leur nez.

Je serai epuise et je pourrai rendre Parne; s’ils ont su me de-couvrir, ce sera avec joie et satis-faction du devoir accompli.

Et cependant j’aurais bien aime savoir encore s’ils auront pense a estimer ma longueur en bouche, la persistance de mon gout apres ma mort, mon passage a Phistoire dans leur cerveau en quelque sorte.

Et aussi si une fois que j’aurai disparu de leur verre, ils pcnse-ront a le humer quelque temps aprós afin de voir combien mon esprit, mes arómes sont encore vivants.

Mon cher Champagne, debout a cóte de moi et dans la meme attente, cela m'a soulage dc te raconter tout cela avant de pas-ser mon epreuve finale. Toi, tu as plus de chance car la seule vue de tes fines bulles declenche les sourires! Tu. me diras que ce n’est pas de la chance, car tu mćrites pleinement de subir les memes epreuves, et plus souvent encore on se contente de te boire.

Ah, on vient nous chercher, on va nous separer. Adieu, j’espęre et je nous souhaite qu’on ne se contente pas de nous boire !

Stufo ploto Jean Pccrasscr