Des le printemps, le vert des feuilles se developpc et efface progressivement le sol et les sup-ports, sans pour autant reduire 1’harmonie des alignements et les nuances des differents verts. La floraison, trop breve, emaille de blanc toute la vigne et fait appa-raitre le vert tendre des jeunes pousses. De temps a autre la bouillie bordelaise ou d’un autre traitement a base de cuivrc vient apporter des taches inattendues de bleu. Le vigneron doit en effet lutter contrę les predateurs, entre autres 1’araignee rouge, le « rot » blanc, noir et gris...
Avec 1’ete la «veraison» des grappes fait decouvrir dans les grappes des tons multiples aliant du rouge au jaune translucide... mais pour observer leur couleur, il faut soulever les feuilles et el-les evoluent suivant leur matu-ritć... Chaque cepage a ici sa teinte, ... nous y reviendrons.
Mais c’est a 1’automne, au moment des vendanges que la fete des couleurs bat son plein. Comment decrire la variete des tons de jaune, de brun clair et fonce, de roux, de rouille, de rouge bordeaux, de vert fane ou fume... que l’on decouvre, en s’abaissant au pied de la vigne pour cueillir une par une les grappes dorees ou noires... Le spectacle devient feerique a Chateau-Chalon, dans le Jura, ou en Alsace, dans les vendanges tardives lorsqu’une fine couche de neige vient y ajouter sa lu-mi£re eclatante.
Apres la vigne, observons le >1-gneron et les amateurs de vin. Homme habitue au plein air et au soleil, protege par un beret bleu qui cache ses cheveux (roux ?), le vigneron a le visage burine ou couperose et une mous-tache grise, poivre et sel. Le bon buveur a souvent le nez rouge, les yeux injectes de sang. Ne chante-t-on pas en Bourgo-gne :« Quand je vois rougir ma trogne... Je suis fier d’etre Bour-guignon ». Quand il a abuse du gros rouge... on dit qu’il s’est grise... S’il va plus loin, il est 44 « noir ».
II y a encore davantagc de couleurs lorsque Ton aborde le choix des cepages les mieux adaptes a chaque sol, a chaque climat et surtout au type de vin que le proprietaire se propose de mettre en cave.
N’oublions pas qu’au cours de la premiere fermentation qui suit la vendange, le caviste peut a son gre et grace a la science des cenologues laisser plus ou moins Iongtemps la pulpę du raisin en contact avec le jus presse pour lui transmettre sa couleur. Cest ainsi que le meme pinot noir a jus blanc donnę des grands bour-gognes rouges apres cuvaison et qu’il donnę du champagne par pressurage et tirage immediat du jus blanc. Cest le meme cepage dont les Alsaciens font un excel-lent vin rosę.
Plus de cent cepages distincts sont encore utilises dans le vigno-ble franęais. Les enumerer, avec ■ leurs teintes, serait fastidieux. Je me bornerai, dans le desordre, a citer quelques noms qui evoquent leur coloration.
C’est ainsi qu’il y a de nom-breux pinots : les blancs (en Alsace), les gris (Alsace, Coteaux d’Ancenis) et surtout les noirs ou noiriens deja cites. II y a aussi des « Clairettes blanches et rouges ». On trouve de meme en Sa-voie tantót la « Mondeuse blanche » ou « Roussette d’Ayze » et la « Mondeuse rouge » encore ap-pelee «plant de Montmelian ». Citons... simple curiosite le « gris meunier » (Pays de la Loire), la « folie blanche » (Armagnac), l’« Ugni blanc» (Cótes de Pro-vence), le «gamay noir a jus blanc » du Beaujolais quc Ton re-trouve en Savoie et la «roussette » du Bugey que Ton re-
trouve dans le Croze-Ermitage.
Venons-en a la cave ou va
s’elaborer ce precieux nectar. Les caves anciennes les plus belles sont generalement voutees et sombres... ellcs restent artisana-les, et 1’epaisseur de leurs murs les protege contrę les variations de temperaturę. Elles sont deco-rees par le pressoir, les cuves de fermentation, celles de drainage et surtout de stockage ; dans un autre local on trouve les barri-
ques en chene pour le vieillisse-ment, d’ou toute une serie de tons lies aux differentes natures de bois utilises (chenes de diver-ses regions, sequoias) et a leur age. Le vigneron est tres fier de faire visiter sa vieille cave dont on admire la fraicheur en plein ete. Les caves modernes sont moins plaisantes mais plus scicn-tifiquement ordonnees et equi-pees. On y trouve des cuves en acier inoxydable ou en beton et fibrę de verre, des pressoirs hori-zontaux ou verticaux, des broyeurs; des engins appropries pour le soutirage, le collage, des cuves de refroidissement. Tout y est parfaitement propre, le brillant de 1’acier inoxydable et la chaleur du cuivre, completees par les couleurs fonctionnelles des differentes canalisations, donnent une impression de gaitć qui n’a malheurcusement plus le charme des vieilles caves...
Pour terminer cette visite, di-sons quelques mots sur Pembou-teillage. La formę et la couleur de la bouteille sont tres soigneu-sement choisies par le vigneron ; avec l’etiquette elles constituent son image de marque qui doit le distinguer de ses concurrents. Les bouteilles claires sont reservees aux vins blancs et roses ; la couleur de la bouteille doit s’adapter a la « robę» du vin prepare. Nous reparlerons de cette « robę » au moment de sa degus-tation et nous limiterons a quel-ques remarques sur les couleurs utilisees dans les etiquettes. En fait c'est esscnticllement le noir et le rouge qui sont utilises dans leur impression... avec eventuelle-ment un lisere d’or, a defaut de jaune qui parait-il vient mai dans une impression polychrome.
Empruntons maintenant, par souci d’objectivite, a TAtlas Mondial du vin (1) la description suivante du vin et de sa « robę » : La couleur du vin au hord du verre incline contrę un fond blanc donnę au degustateur un premier renseignement. Est-il clair? vio-lace (jeune) ? ou tournant au rosę brique (vieux) ? Les grands vins
(I) Editions Robert Laffonl.