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Les choses se compliąuent avec le groupe extremement ancien des "Key" ou "Kay". En faire les ancetres des Koyain1 n’est pas justifie, surtout quand on sait qu'il y a encore, dissemines au Kanem, des agriculteurs sedentaires du nom de Key.
De meme, dans le texte de MAQRIZI sur les "Races du Soudan", traduire "Kankuma" ou "Kanaku" par "Kotoko"2, le "n" et le "t" pouvant etre confondus dans un manuscrit arabe, merite d'etre reconsidere quand on sait qu'existent encore de nos jours des Kangena et des Kanku.
De tels exemples peuvent etre multiplies : les Kileti, population d'archers de la region de Massakori, sont presentes comme des Koyam par PALMER sans justification3.
Mais, de tres nombreux noms d'ethnies qui nous sont transmis avant le XVIIeme siecle ne correspondent a rien de nos jours et des textes comme ceux d'Ibn SAID ou de MAQRIZI sont en grandę partie inutilisables. Ainsi, des noms comme "Ankarar" ou "Djabi" n'ont aucune equivalence connue actuellement; le terme "Zaghawa" a change de sens au cours de 1'liistoire mais, de nos jours, aucune population ne se donnę ce nom, pas plus que celui de "Gorane", meme si ces deux termes sont couramment utilises depuis longtemps.
De la meme faęon, quand on connait 1'histoire des Kuraa (une fraction des Kuri) telle qu’ils la racontent, on peut douter que les "Kura" des geographes arabes soient les memes que les Kuraa contemporains. En effet, ceux-ci disent venir de la ville de Sulu et leur ancetre 1'aurait quittee il y a une quinzaine de generations, ce qui correspond a l’epoque de la destmction de la ville par Idriss Alaoma, trois siecles apres Ibn Said4. S’il faut utiliser avec pmdence les renseignements foumis sur les Kura, il faut en faire de meme avec les "Badi", meme si tout porte a croire qu'ils sont bien les ancetres des Bade contemporains.
Les textes d'Ibn FURTU sont plus interessants, mais les noms qu'il donnę aux populations qu'il decrit sont les noms donnes par les Bomouans et pas ceux que se donnent les groupes concemes. A relire les "Guerres du Kanem", il semble bien que le mot "Bulala" qui y est utilise n'ait pas plus de valeur ethnique au XVIeme siecle que le mot "Kanembu"
H. BARTH : "Travels and Discoveries...", t. HI, p. 27.
D. LANGE : "Un texte de Maąrizi...", Annales islamologiąues, 15, p. 203.
H.R. PALMER : "Sudanese Memoirs", London, Cass, 1967, p. 54 (ms. de Ibn Furtu p. 86).
LANDEROIN, "Du Tchad au Niger, notice historiąue", Documents scientifiąues de la Mission Tilho, Paris, Imprimerie Nationale, t. n, p. 321. Cette genealogie nous a ete confirmee par M. Mustapha BRAHIMI, chef de Canton dlsserom, Doum-Douni, le 3/01/1987.