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leprince Gregoire de Moldavie, decapitepar les Turcs, Ghika s’attribuait lapatemite d’un appel lyriąue a la delivrance de la Grece. Tandis que le veritable auteur de ce texte, Voti de'Greci all’Europa crisłiana, un certain abbe del Turco, vivait paisiblement a Pisę comme bibliothecaire. Quand on sait que Ghika a fait lui aussi un sejour a Pisę, il est vraisemblable qu’il ait eu la 1’idee de s’arroger le merite d’une belle piece de propagandę68. II est cependant significatif que, plus tard, il ait oublie de 1’inclure dans la listę de ses ceuvres completes.
Cette listę est la demiere et la plus sensationnelle page du dossier dćja volumineux d’Alexandre-Andronic (alias Antoine) Ghika. On a \u que cet infatigable globe-trotter, au moment ou son livre paraissait a Paris, se trouvait bien loin de la Revolution, a Calcutta. Or, c’est la que, sous le nieme nom de plunie, «Elias Habesci», il a publie en 1790 The Partition of the Dominions of the Pope, preceded by that of the Ottoman Empire and by Consideralions on Heraclius, the Reigning Prince of Georgia. Le livre, traduit du ffanęais conime le precedent, est dedie a lord Comwallis, gouvemeur generał du Bengale, celui dont la capitulation a Yorktov>n avait mis fin a la guerre de Plndependance aniericaine Cette plaidoirie en faveur du partage des Etats pontificaux nous rappelle que 1’auteur aurait ćte musulman, apres avoir ete jesuite. Ce n’etait pas la demiere de ses palinodies. Malgre ses anciens rapports avec les Russes, il denonce leur politique d’expansion qui menace d’annexer la Moldavie, la Valachie et, en partie, la Bułgarie dont ils out deja occupe «the rich plains» 69. D’une guerre a 1’autre, son attitude a\ait completement cliange. Pour quelqu’un qui s’etait toujours interesse aux Albanais,il est surprenant de le voir si indifferent a la realite: <<Albany is one of the largest and most fertile provinces of European Turkey»70.
II n’est pas d’accord avec les nostalgiques qui souhaitent une restauration de rEinpirebyzantin: «Neitliera Comnene, a Phocas, a Polygmax (sic: Palaeologus?) or a Lascaris sliould be placed upon a Greek tlirone; they shculd be left ac they are. one at Paris, one at Chambery, another atTurin, anotherat Smyrna, and another at Constantinople; all morę or less unhappy»71 . II faudrait donc accepter le grand-duc Constantin ou un Habsbourg de Toscane (Pierre-Leopold?) conime souverain d’un Etat qui comprendrait une part de la Bułgarie, la Roumelie jusqu’a Salonique. les Dardanelles, Smyme, Ankara, Brousse, Sinope et Trebizonde. Le partage de 1'Empire ottoman offfirait Crete aux Anglais et Jerusalem a 1 'Espagne, tandis que Yenise recevrait la Moree,Ragusę («useless and unhappy») ainsi qu’une partie des
,!>Traduite en grec par Fugene Voulgaris: il en existe aussi une traductiun en roumain.ednee par Ariadna Cainariano, Rugaciune a neamului grecilor catra toata cre^lineasca E\mpa.
69 The Partition, p. 59.
70 Ibid., p. 60.
71 Ibid., p. 65. Le plus curieux c’est que cette allusion a un Comnene de Chambery et a un Lascaris de Turin indiąue la connaissance de 1’Ordre Constantinien de Saint-Georges, imposture historique associee pendant quelque temps au regiment Real Macedone dont le pere putatif de Ghika avait eu le commandement. Cf. Andrei Pippidi, uFables, bagatelles et impertinences.n Autów de certa ines genealogies byzantines des XVI' - XVIII' siecles, in Źtudes byzantines et post-byzantines, 1, Bucarest, 1979, pp. 269-305