YALENTIN AL. GEORGESCU
(1908-1995)
II existe un style bureaucratique jusque dans la litterature funebre, mais il ne s’accorderait guere avec le caractere du maitre et ami dont nous nous separons avec un profond chagrin.
Meme dans 1’ombre epaisse de 1’isolation a laquelle ne l’avait reduit que tres tard la maladie, sans toutefois briser les ressorts de sa vivacite, le professeur Valentin Al. Georgescu nłavait jamais cesse d’etre considere avec la confiance et le respect devoue qu’inspirait son long labeur. Dans IMnstitut des Etudes Sud-Est Europeennes, qui avait ete a partir de 1966 sa veritable maison, toute une generation s’est formee en lui portant ces sentiments auxquels la retraite, qui lui avait ete imposee en 1975, nłavait rien change. C’est la generation dans les rangs de laquelle il avait eveille ou protege des vocations, par son exemple et par les conseils qu’il ne refusait a personne. En passant parmi nous d’un air distrait, il n’en etait pas moins sensible au dramę humain qu’il pouvait ainsi catoyer, ou a 1’injustice presente autour de lui, car lui-meme avait ete souvent offense ou humilie.
Cette delicatesse du cceur, il avait la discretion de la cacher, mais parfois, devant certains collegues beaucoup plus jeunes que lui, elle lui faisait trouver les paroles chaleureuses qui redressent 1’espoir. Un don qui rejoignait chez lui une authentique vis poetica, exprimee dans les formes les plus elegantes, surtout en franęais, ce qui constituait un chapitre de son passe dont les echos ne s’etaient pas encore eteints. II puisait volontiers aux sources de ce passe personnel qu’une memoire inepuisable rendait toujours contemporain.
Au debut de son itineraire il y avait les etudes a Heidelberg et Bruxelles, poursuivies plus tard a Vienne et a La Haye, sa these a Paris avec ce fameux specialiste du droit romain qu’etait Paul Collinet, - un chemin vite parcouru et elargi, sans jamais perdre ses souvenirs d’enfance qui le rattachaient a Craiova, ou son pere avait ete le maitre d’ecole de ses camarades de classe. Son acccssion au monde des notables - avocat de la Banque Nationale, enseignant aux Facultes de Cemauti et de Bucarest, ainsi que, de 1944 a 1947, a Lausanne, - avait ete etouffee et effacee par lc regime politique qui etait en train de sMnstalier en Roumanie vers l’epoque de son retour. Ceci cntraina le grand toumant de sa carriere, le determinant a abandonner le droit romain pour etudier le droit byzantin et son application dans les pays roumains. Desormais, il allait consacrer ses rechcrches a la reception du droit byzantin, a la place de la coutume vis-a-vis du droit ecrit, a Phistoire des institutions «feodales» et a celle des assemblees d’etats. La position eminente qu’il aura regagnee dans le milieu savant sera due justement a son egale familiarite avec la pensee juridique de PAntiquite latine et avec 1’heritage byzantin que le Sud-Est a su adapter et ajuster a I’influence occidentale.
Rev. Etudes Sud-Est Europ., XXXIV, 1-2, p. 195-196, Bucarest, 1996