DEJAN DIMITRIJEVIĆ-RUFU
(Paris)
Dans ce travail, on se propose de presenter les croyanccs et les coutumcs qui sont liees a la gemellite, au destin des enfants nes le nieme jour ou pendant la menie lunę mais de parents differents, et a l’enfant illegitime chez les Roumains et les Slaves du sud. L’abondarce de coutumes qu’elles suscitent repond aux craintes qu’elles engendrent. C’est 1’ordre social et le destin des personnes concemees, dans ce monde et dans l’autre, qui sont en jeu.
LES CROYANCES RELATIVES A LA GŁMELLITĆ
A Melnica (Menita)1, une naissance de deux jumeaux est un tres mauvais signc: un seul enfant aura une vie nonnale; pour 1’autre, ou bien il ne vivra pas vicux, ou bien il aura une existence malhereuse. Dans le cas de jumelles, une seule sera feconde. C’est aussi valable pour les vaches.
Une naissance de plus de deux enfants presage d’un malheur encore plus grand: ces enfants ne survivront pas, et la maisnie ou cela s’est produit disparaitra. La encore, cette croyance s’etend aux bovins: la maisnie s’eteindra de nieme, si une vache met au monde trois veaux.
La naissance de jumcaux n’est souhaitee ni chez les Slaves du sud ni chez les Roumains. Pour l’eviter, des le debut de sa grosse:>se, la fernrne respecte certains interdits alimentaires: les fruits gemines et les ccufś avec deux jaunes sont pioscrits, ainsi que la nourriture contenue dans une besace (pour la Yougoslavie voir N. Blagojevic, 1984. p. 214 et M. Milicevic, 1894, p. 190; pour la Roumanie, A. Gorovei, 1915, p. 226). A Tapu-Tecuciu (Roumanie), on dit qu’un des deux jumeaux mourra jeune et que 1’autre verra sa vie allongee- il vivra sa vie et celle de son ffere mort (A. Gorovei, 1915, pp. 226-227). En Bułgarie, on pcnse que le destin des jumeaux est lie: s’il arrive quelque chose a un des deux, la nieme chose arnvera a 1’autre. Si un des deux meurt, on croit que 1’autre mourra egalement. Pour separer leur sort, on utilise le procede de la «fratemisation». Ayant pour but de sauver le jumeau reste en vie, la fratemisation s’acquiert de la maniere suivante:
«Avant d’enterrer le jumeau, on invite a entrer dans la tombe creusee, un garęon ou une fillete (suivant le sexe du defiint) qui doit avoir des parents vivants et etre le premier enfant. Ce garęon, ou cette fillette, se couche dans la tombe, les bras croises. Le jumeau vivant se tient a la tele de la tombe. Apres, le petit enfant en sort et les deux enfants sont ‘freres’: le jumeau est gućri et le rituel est termine. II existe d’autres variantes de guerisons rituelles qui se differencient peu dans 1’esprit et dans les actes» (P. Bockov, 1982, p. 59-60).
1 Village rouinain du nord-est de la Serbie ou j’ai effectue un tTavail de tenrain d'environ un an, entre 1987 et 1990, pour Telaboration de ma tliese de doctorat intitulee Le village de Melnica (Mcnija) Rites de passage, prę hienie identitaire.
Rev. Etudes Sud-Est Europ., XXXIV, 1-2, p.71-78, Bucare^t. 1996