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«les esprits s’enflammaient»; ceux qui payaient les musiciens refysant aux autres le droit de danser sous le pretexte d’etre soit «des graines de turc», adjectif donnę aux Xhraces, soit des «Bulgares», adjectif donnę aux Roumeliotes. ęhacun a son tour reclamait le monopole de 1’identite grecąue en accusant 1’autre de ne pas l’etre. Notons que cette agressivite verbale et physique exprimee au cours de la pratique centrale du modę de choix matrimonial, la danse du dimanche visait au controle du champ matrimonial, qui a son tour confirmait la coherence de 1’identite ethnique et la perpetuation de celle-ci1.
Parallelement aux strategies de distinction ayant comme finalite la reproduction de 1’identite ethnique, on remarque les strategies de rapprochement ayant comme finalite laproduction d’une identite communautaire, locale. Dans le cadre de ce jeu, les mecanismes visent a 1’adoption des uns par les autres de ces coutumes communautaires, a caractere apotropai'que et propiciatoire.
II est un fait que «Les conditions de la production et de 1’emploi des marques emblematiques a travers lesquelles les acteurs sociaux mettent en scene 1’identite: rituels, representations d’une culture et d’un groupe, systemes de signes et de blasonnement social, concourent ainsi a objectiver, pour le groupe lui meme, son identite» (Segalen, 1989: 142). Pourtant, dans notre cas, bien que la distinction entre deux groupes, est apparente dans les autres domaines auxquels on vient de se referer, elle ne semble pas etre le cas pour rituels, les coutumes, ces marques emblematiques de chaque groupe. Des le debut de leur cohabitation, les uns participent aux coutumes des autres, rites celebres durant le cycle annuaire a caractere propiciatoire ou apotropai'que («tzamala», pendaison des chiens le «Lundi Pur» (Mardi Qras pour les catholiques)), tandis qu’ils sont moins competents pour les rites d’initiation celebres durant le cycle de la vie d’une personne; ces coutumes ne sont pas adoptees puisqu’elles font partie des elements constitutifs de 1’identite ethnique. Pourtant, devant la peur de 1’inconnu de l’existence humaine, et l’envie de controle des forces sumaturelles, les rites propiciatoires et apotropaj'ques sont adoptes, les agents sociaux se rapprochent adoptant ces elements constitutifs du domaine symbolique, qui visent a la production d’une identite communautaire. ę’est la pour la premiere fois que 1’identite locale et culturelle se differenciede 1’identite ethnique.
Le mecanisme de rapprochement par excellence, ce qui a marque 1’identite communautaire et a contribue a 1’etablissement de 1’identite locale ayant les caracteristiques d’une communaute d’interconnaissance etait le modę de structuration et de fonctionnement des sobriquets. Examinons son deroulement: les sobriquets constituaient une des caracteristiques du groupe des Thraces et non pas des Roumeliotes. Les raisons en etaient variees: «la richese de la terminologie de parente etait inversement proportionnelle a la creativite investie dans l’invention des pronoms et des sobriquets^>. «Lę systeme nominatif des Roumeliotes - pauvre gammę de prenoms transmis des grand-parents aux petits-enfants sous une logique classificatpire - servait a des conditions socio-economiques precises, fidele a son idelogie sociale
Pour le cboix du conjoint et les strategies matrimoniales adoptees par chaąue groupe pour cette premiere periode, jusqu’en 1950, voir Tsibiridou, 1990.