Pour la premiere fois, disais-je, on associerait dans la meme affirmation mais aussi dans la meme interrogation, une scene de pardon (demande ou accorde) et une scene de doctorat honoris causa (reęu avec gratitude). Pour la premiere fois quelqu’un devrait les traiter ensemble. Mais comme pour alourdir encore une tache deja difficile, et la mission impossible, je devrais aussi, dans le meme elan de gratitude, y associer une reflexion sur un autre fait, a mes yeux tout aussi singulier, un fait etrange qui me surprend encore moi-meme aujourd’hui. Lequel? Eh bien tout ce qui m’arrive la, cet honneur qui m’est fait et pour lequel je ne trouve pas les mots qu’il faut, cette chance a laquelle je me montre inegal, tout cela colncide avec ma premiere visite dans votre pays.
De cela aussi je dois vous demander pardon.
Comment a-t-il ete possible que, apres tant et tant d’annees, apres des decennies d’enseignement, de voyages, de colloques et de conferences, je vienne en Pologne pour la premiere fois, et a l’oc-casion d’un doctorat honoris causa? Qu’est-ce que cela peut avoir a faire avec cette histoire de pardon a demander? Je vous le demande. Me voila desormais, aggravant mon cas, devant trois themes a traiter comme si c’etait le meme: le pardon, le doctorat honoris causa, une premiere visite, une visite si tardive en Pologne. Arriverai-je a les porter d’un souffle? d’un seul souffle a moi seul demande? Y arriverai-je ?
Certainement pas. Pas directement, pas franchement. Et a la fin d’une modeste allocution tenue a la loi du genre et a la brievete, sans doute vous laisserai-je la liberte de mediter sur la significa-tion ou rinsignifiance de cette colncidence. Je pourrais bien vous dire, certes, mais la n’est sans doute pas 1’essentiel, que cette insis-tance compulsive sur le theme du pardon tient, outre un sentiment de culpabilite qui sans doute ne me quitte jamais, a une double situation, a une double datę, a telle conjoncture a la fois fortuite et necessaire: d’une part il se trouve que je donnę un seminaire a Paris sur le pardon et le paijure (notamment mais non seulement dans le champ politique — franęais et europeen, national et international) et que d’autre part, en France, depuis quelques semaines, mais longtemps apres ma decision annoncee de consacrer mon seminaire a ces sujets, le theatre politique ne cesse de presenter, et de represen-ter, des actes de repentir ou de pardon demande. Toujours il y va
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