qu’elle rend possible et porte toutes les ąuestions, les interrogations les plus critiąues et les plus soupęonneuses. Cette affirmation exi-geante de Puniversalite inter-nationale aura pris, dans 1’histoire, une figurę “europeenne”, au sens encore le plus enigmatiąue de ce mot, et plus precisement la figurę moderne de Y uniyersitas europeenne. Le doctorat honoris causa est le noble symbole de ce passage des frontieres et de ce droit d’asile pour leąuel nous luttons en Europę et au-dela de PEurope, et pour leąuel, avec certains amis, nous avons fonde il y a ąueląues annees le Parlement International des Ecri-vains. Comme sa grandę tradition universitaire, la Pologne occupe a cet egard, dans 1’histoire et dans le paysage europeens, une place privilegiee. Et en ce siecle, votre pays a endure, traverse, surmonte le plus grand nombre d’epreuves possibles, qui furent toutes, d’abord, des epreuves europeennes, des epreuves pour PEurope, pour le corps et pour ce qu’on appelle souvent Pidee, Parne ou Pesprit de PEurope. La Pologne du XXimc siecle: dans aucun autre pays europeen, je pese mes mots, on ne peut identifier, en un espace comparable et dans Pacceleration du meme temps, a un tel degre de condensation, une figurę plus concentree, une metonymie plus dechirante, une metaphore plus intense et plus grave de tout ce qui est arrive a PEurope moderne. De ses desastres, de ses resistances, de ses insurrections et de ses resurrections. Rappeler ces temps en parlant de metonymie ou de metaphore, cela ne revient pas a reduire Phistoire de votre pays a une figurę de PEurope: c’est le corps meme du peuple polonais qui aura souffert, litteralement, et en lui le corps de tous les peuples (car il y a toujours plus d’un peuple en un), et en lui le nom de toutes les familles qui le composent. Ce corps pluriel aura ete marąue par tous les evenements europeens, par tant de forces et de regimes heterogenes, par toutes les formes de pouvoir social, religieux, syndical, politiąue, par les mouvements d’oppression, de repression mais aussi de rebellion, de revolution et de liberation, par tous les courants de la pensee philosophiąue, politiąue et religieu-se qui, depuis leur epicentre europeen, ont fait trembler la terre de Punę a Pautre des deux guerres mondiales. Quand je me demande comment et pourąuoi j’ai tant tarde a m’approcher physiąuement de ce que j’ai toujours tenu pour la centralite absolue, la centralite a peine decentree du centre, le coeur meme de PEurope, comme si j’avais voulu justement eviter un certain vertige au bord du plus
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