hollandais, et qu’il a prefere a toutes les apologies anciennes et modemes „le livre d’or” de „Lincomparable Grotius”162). L’eveque de Meaux, qui a lance 1'anatheme au maitre, iait serieusement droit a la demande du disciple d’etudier ensemble les possibilites de reunir tous les chretiens. Pourtant le premier a suivi une route beaucoup plus droite. Ses mobiles etaient deja plus purs que ceux de Leibniz. Alors que Grotius cherchait des remedes pour la chretiente dechiree, pousse par la seule charite, sans aucun espoir d^onneur ni d’interet163), Leibniz se laissait conduire pour une large part par des considerations d’ordre politique 164).
Aussi leurs conclusions sont-elles differentes: alors que le premier finit par opter pour la soumission a Romę, 1’autre, apres Techec de ses laborieuses negociations avec TEglise Romaine, a detourne les regards de la ville eternelle pour essayer de creer une seule Eglise protestante. A suivre les peripeties du long dialogue epistolaire que Bossuet a eu avec le philosophe allemand, on regrette toujours davantage que les noms n’aient point ete changes, et que Grotius ne tienne pas le role de Leibniz. Si Ton veut esperer une union avec TEglise catholique, ecrivit Bossuet, Ton doit admettre la necessite de croire aujourd’hui ce qu'on croyait hier; Ton doit convenir de 1’infaillibilite de TEglise qui est le seul principe solide de la reunion des chretiens, et renoncer a la revendication du librę examen165). Quand nous Tentendons formuler ces conditions essentielles, Grotius surgit devant nous, representant a ses coreligionnaires le „quod semper quod ubique” de Vincent de Lerins, cherchant a entraver la liberte absolue dans Texplication de la parole divine, admettant Tindefectibilite de TEglise, et se soumettant, surtout dans son demier livre, aux decisions du Concile de Trente.
Leibniz au contraire ne faisait que tergiverser. Ironiquement il demanda ce qu’il faudrait faire s’\\ se trouvait qu,avant-hier on en avait cru autre-ment: fallait-il toujours canoniser alors les opinions qui se trouvaient les dernieres? 160). II se perdait dans des subtilites dans lesquelles on craignait meme de lui voir embarrasser sa foi107). Neanmoins Bossuet le suivait patiemment dans tous ses chemins de traverse168). Tant le bien de la reunion lui tenait a coeur.
102) A. Monod, o.c., p. 15.
163) Lettre a Vossius du 23 nov. 1641, Epistulae, p. 6%.
164) A. de Broglie, dans Le Correspondant, t. 51 (nouv. serie, t. 15), 1860, p. 218 sq.; Correspondance de Bossuet, t. V, p. 548.
166) Lettres de Bossuet a Leibniz du 28 aout 1692 et du 15 aout 1693, Correspondance, t. V, p. 228, 426 sq.
1€6) Lettre de Leibniz a Bossuet du 4 oct. 1692^ Ib., t. V, p. 245.
167) Lettre de Mme de Brinon a Bossuet du 5 aout 1693, Ib., t. V, p. 414.
ie8) II consulta meme un docteur de Sorbonne sur le projet de Leibniz de sus-pendre les decisions du Concile de Trente et de s’en remettre a celles d’un concile futur (cf. entre autres la lettre de Mme de Brinon du 18 juillet 1694, Ibv t. VI, p. 355 sq).
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