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sa violence. Le 44, A 5 h. du matin, toutes les chaines des amarres ćtaient rompues, et le navire se trouvait complete_ ment ćchouć au milieu des brisants et des rćcifs, trop loin au Jarge pour pouvoir espćrer aucun secours.
A ce moment il fallut A l'<5quipage abandonner le pont, et se rćfugier dans le mńt de misaine. oii je me trouvais moi-raime le plus’ haut place ovec mon flis śgó de quatorze ans.
Tout secours humain ćtant impossible, nous n’avions cju’A songer a la mort'. II eót fallu un miraclc pour nous sauver et nous avons demandć ce miracle. Dans ce moment d’angoisse chacun de nous implora avec confiance Celle qui se nomme A si juste titre la protectrice des marins.
A 10 h. 1/2, le mAt sur !equel nous ćtions rćfugićs tomba A l‘eau, en nous entrainant dans sa chute. Une seconde apr&s, j'avais perdu de vue tout mon ćquipage. Un instant, sur la cróte d’une lamę, j’aperęus mon pauvre enfant engagć dans Jes haubans et me tendant les bras.
Je fis pour 1'attemdrc des efforts surhumains. mais inutiles ; alors je me laissai emporter par les lames qui mc poussaient au fivage ; mais, avant d’y arriver, bien d autres dangcrs m attendaient. •
Au moment ou la mer furieuse me sćparait de mon fils, un homme de mon equipage, dAjA disparu sous l’cau, me sai-sissant par les deux jambes, m'entraina avec lui dans 1'abime. Je pus m en dćgagcr, mais je nc sais comment.
Mes forces Ataient A bout, et ce fut A cette heure que je re-connus surtout la protection de sainte Annę. En cftet, au moment mtfmc oii ćpuisć je reparaissais sur 1'eau, il se trou* va IA par bonhcur une planche A portće de ma main.
Je la saisis, mais toujours les fiots me portaicnt sur des rochers ou je devais ćtre inćvitablement brisć, lorsque cet^e planche, suivant une direction que lui \mprimait une main in-visible, fit doucement le tour des ćcucils et me porta sur la plagę ofi je fus recueilli.
Tel esten quelques lignes le rćcit de ce triste ćvćnement dont je vous garantis toutc ('esactitude.
Au tćmoignage raómc des six cents personnes qui furent tćmoins de mon naufrage, mon salut a etć un miracle ; je l’at-tnbue A 1'intercession de sainte Annę que j’ai invoqućc (4).
(li-Kocueil des favpur», n" 128.
Si mes pauvres compagnons n'ont pas ćtć sauvćs comme moi. da moins ils ont eu la grAce de mourir en priant et avec l'es-poir d'aller au ciel. ,
I.c 30 mai 1890, Pierre Le Guennec (de Plouhinec) póchait le homard dans la baie de Quiberon, en compagnie d'un marin et d’un mousse. 11 y avait grosse mer et un courant vio-lent. Leur chaloupe fut cntralnće, en dćpit de leurs eftorts, sur des rochers A fleur deau et sombra. A un moment donnć il n'y eut plus a ćmcrger que le bout du mAt. C’est a ce support qu’il leur fallut se raccrocher en attcndant qu’on vint A leur secours. Mais Je secours viendrait-il, et comment tenirjusque-IA? Le Guennec commenęa par se voucr A sainte Annę; et prenant ses deux compagnons sous les aisselles, il chercha un point dappui dans le mśt en y nouant ses deux jambes.
Au bout de trois quarts d’heure, un bateau qui avait vu la dAtresse, s’approcha, mais il ne put recuedlir que Le Guennec et l’un dc ses compagnons, 1'autre ćtait mort.
Quant le naufragć vint en pAlerinnge A Sainte Annę, il ne pouvait pas comprendre, dismt-il au chapelain, que, les deux bras charge-s de lourds fardeaux, il ait pu, continuellement ballote par les lames qui roulaicnt sur lui, restersi longtemps sur un point d'appui si instable. Et il ajoutait: « Je me plais A attribuer ma conservation A sainte Annę. Pendant les trois quarts d’heure dattente je ne pensais qu'A sainte Annę et A mes deux compagnons •.
— En mai 1917, M. Le Bihan (de riled'Arz) eut son navirc torpillć : « AprAs avoir coulć deux fois, dit-il, je rćussis A sur-nager; puis, au bout de quelque temps, le capitaine, le timo-nier et moi nous nous accrochAmes A la passerellc que l'ex-plosion avait lancie A la mer. Notre tćte seule ćmcrgeait au-dessus de l eau ; les vagues nous recouvraient A chaque instant Un moment nous nous crdmcs sauvós; une chaloupe venait A notre secours ; mais avant qu’elle pAt nous accueillir, elle fut coulće par le piratc A coups de canon. Tout espoir semblait donc perdu. Le capitaine coula le premier ; le timo-nier et moi nous nous regardAmes, sans parler; puis soudain je le vis lAcher, remuer un peu et disparaitre. Vers 3 heures, un convoi de bateaux passa en vue, mais il continua sa route sans m’apercevoir, sans m entendre. En ce moment je fus