par des interventions actives dans la cite sous la fonne de conseils, d’evaluations, de prises de position. Cette limite posee par Kant me parait aujourd’hui problematiąue pour mille raisons. Nous parlions a 1’instant d’un ąuestionnement et d’un engagement inconditionnels. Eh hien, ils supposent la liberte a 1’egard des pouvoirs d’Etat, mais aussi, dans certaines conditions, a 1’egard des appartenances nationa-les, voire civiques et religieuses. Cest une affirmation philnsophiąne que de devoir parler publiquement, et hors de l’universite, au nom de responsabilites qui nous lient par dela les frontieres d’une langue, d’une culture, d’une nation, d’une communaute religieuse, voire d’une citoyennete, et meme, j’irai encore plus loin, par-dela la citoyennete tout court, fut-elle celle du citoyen du monde et de ce droit cosmopolitique qui reste encore lie a la figurę etatique du droit. Car ce que nous enseigne la tragedie moderne des genocides, des exter-minations, des migrations, des deportations massives, Ie transfert de millions de personnes deplacees, les “crimes contrę 1’humanite”, c’est que ce ne sont plus la, depuis la premiere guerre mondiale, des violences infligees a des citoyens proteges dans leurs droits par un Etat d’origine. Et tand de soufrances nous lient et nous allient aujourd’hui, nous obligeant envers eux, a des hommes et a des femmes qui ne sont plus des citoyens et dont le malheur n’a jamais ete a la mesure d’organisations gouvernementales ou etatiques impuissantes. Ces nouvelles solidarites ne lient plus entre eux, pour 1’essentiel, des sujets citoyens; elles portent au-dela de la citoyennete. Et meme de la citoyennete europeenne et meme de la citoyennete mondiale. Or dans son independance a 1’egard des institutions de l’Etat ou de 1’Eglise, l’universite, et d’abord l’universite philosophique, a la responsabilite de participer aujourd’hui a cette transformation du droit inter-national, des droits de rhomme et meme du vivant en generał, de l’espace public intemational — et c’est dans cet horizon qu’un doctorat honoris causa, quand il franchit les frontieres nationales et linguistiques, me parait signifier plus et mieux qu’un rite figę ou une convention du passe—. S’agissant du pardon public dont rexemple s’est impose a moi tout a 1’heure, je dirai trop brievement ceci: s’il respecte ses propres responsabilites, un universitaire philosophe ne se contentera pas de tout faire pour analyser le sens, la logique, les apories, 1’histoire d’abord du concept de “crime contrę Thumanite”, et de son imprescriptibilite, du concept de pardon, de ses origines