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entourć des vainqaeurs couvcrts de sueur et dc potis-si£re. Tous parlaient en nieme temps ; tous s’ecriaient: Triom phe, uictoire, oictoire compiele. Les aneiens leur iinposerent silence, et, aprćs avoir embrassć deux fois leur habile generał, ils voulurent apprcndrc dc lui-meme les particularitćs de 1'action. Le vaillant Dorti-dius en fil le rćcit d’un style sublime, mais inintelli-gible. On eut recours au petit prestolet qui fut clair, mais piat. Ses yeux pćtillaient d’allegresse. Cependant sa joie ćtait mOlćc d’un peu d’aniertume ; il regrettait qu’on eut mis Wasp k la place de Friron ; il preten-dait que cc dernier nom eut ćtć bien plus plaisant ; il ne concevait pas pourquoi on l’avait supprimć ; il savait quc 1’auteur de YAnnłt I.ilteraire lui-mćme avait demandć qu’on le laissat.
Le S^nat fut trfcs satisfait de tout ce qu’il vcnait d’entendre. Le generał lui presenta la listę des guer- * riers qui s’ćtaient le plus distingues. Sur la lecture qui en fut faite a hautc voix, on ordonna au petit prestolet de 1’insćrer en entier dans sa premiłre Gnzelle LitU-raire, avec de grands eloges pour ehaąuc heros ; ensuite les sćnateurs tendirent la main k l*un, souri-rent agreablcment a 1’autrc, promirent k cclui-ci un exemplnire de leurs ceuvres mćlees (1), k cehu-16 de le louer dans le premier ouvrage qu’ils feraient, k quel-ques-uns des places de courtier dans YEncyclopłdie, a tous des billets pour aller cncore a YEcossnisc gratis, en leur recommandant de ne point s’endormir sur leurs lauriers, et de continuer a Ińcn faire leur devoir; Hs leur reprćsenterent qu'il ćtatl i craindre que la vigilance des enncinis nc profitat de leur inaction pour leur dćrobcr le fruit de leur victoire.
Aprós cc discours ćloquent et llatteur, le Sćnat les congćdia, et invita k souper le generał et les princi-
[l) L«i Młlanyei de d'Alembert,
paux ofTiciers. Avant le bnnquct, on tirn un beau foli d’artifice ; il y jcut grandę chćrc, un exce))ent concert dc nvusique italicnne, un intermćdc executć par des bouflons, des illuminations a la faęadc de tous les hótels des philosophes. l'n bal philosophique, qui dura jusqu’a huit heures du malin, termina la fete. Les sćnateurs, en se retirant, ordonn^rent qu*on eilt a s'assembler aux Tuileries sur les six heures du soir pour chanter un Te Voltarium.
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Qucl<jucn jonrs aprćs. revcnant sur le succts qu'on avait fait A cette pićco pitoyablr, Freron traduisait 1’impression qu'clle avait pmduitc sur rilćmenl impartial dc 1’opinion :
Les gens de lettres et les amateurs les plus estima-bles par leurs lumićres et les plus zelćs pour la gloire de la seene franęaisc, gemissent de voir reprćsenter une pareille piece.
Eh quoi, disent-ils, nos grands honunes out tra-vaillć pendant un sidcle i purger Part dramatique dc tout ce qui le dćshonorait, a ćtahlir les grandes rógles qui, seules, peuvent conduire i faire des ouvrages di-gnes d’£tre avoues par la raison et par le gout ; ils ont mis eux-memcs des entraves necessaires i leur librę genie ; enfin, ils ćtaient parvenus au sommct dc la perfection ; leurs chefs-d’ceuvre assuraient ii notre theatrc la superiorite, non seulement sur tous les theatres modernes, mais sur ceux des Grecs et des Romains : et Pouvrage de cent annćes est dćtruit dans un instant ! * -
II plait a un homme inquiet, inćcontcnt, envieux, atrabilaire, de vcrscr sur les lettres le poison qui le dćvore, d’en troubler la paix du fond de sa retraite forcóe, d’abuser de la cćlebritć dc son nom et du credit de ses parlisans, pour nous replonger dans la nuit dont nous avons cu tant de peine ik sortir, pour nous
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