La lettre du 25 AoQt 1844 cst un ćcho dc ses vacan-ces prises fi Naples. L’csprit et lc coeur se detendent des grnves ćtudes du ColKge Komain, et ils retrouve-ront, sous lc ciel błeu ct sur la baic de Naples rhumcur joyeuse et charinante de la Jeune Bretagne a Paris.
Kaples, le 25 Aout
C’csl aujourcThui votre fćtc, ina chire I.ouisc, ct, puisque je nc suis pas i Poulłaoucn pour vous dirc los vceux de ma tcndre amitić, je veux au moins qu‘une cxpression telle quelle vous en arrivc par dessus les mon-tagnes et les deux mers qui nous sćpurcnt. Yoyons, quc faut-il voqs souhałter pour quc vous soycz parfaitcment heureuse ? II me semble que, pour le prćscnt, vous ne dcntandcz rien plus que ce que Dieu nous a donnę, votre mari est dc ceux qui savent aimer au dęli dc quelques mois ; tel quc je le connais, il doit vous montrer aujour-d’hui unc afTection plus sericuse, plus profonde qu’au premier jour. Je vois d'ici vos deux umes se fondre de plus en plus 1‘une dans 1’autre, lea diffcrcnccs de vos deux natures s’harmoniser au profit de tous les dcux, ct chacun de vous devenir meilleur et plus heureux dc ce qu’il reęoit de 1’autre. Me trompć-jc en devinant ainsi les rćsultats d*unc union quc je voulais du fond du coeur voir formće avant de partir pour ma grandę absence ? Nc suis-jc pas bicn plutót rcste en arriire dc la veritć, et n’aurex-vous pas beaucoup de choses i m’apprcndre sur 1’heureuse paix dont vous jouissez dans votre solitudc dc Kerne ? Hptez-vous, je vous en prie, de complćter sur ce point si intćrcs-sant les renseignements dont je vous trouvc un |>cu fcvaref En attendant, je rac borne a demander pour vous, du cóte des biens de ce mondc, quc vous vous sachicz heu-reusc ; il me semble quc la plupurt des gens qui le sont si pcu. ont 'souvcnt a se reprocher do fermer les ycux sur les vrais biens dont ils jouissent, ou dc ne s’avouer leur valcur quc lorsqu’ils sont dcvcnus des souvenirs. — Souvenirs d’cnfance, souvenirs de jeunesse, soueenirs de tous los passes, — tout le mondc croit ouoir łtł heureux, ct chacun afflrme qu’il ne Vesl pas. Cc qu’il y a de plus
clair au fond dc tout cela, ma cherc Louise, c’est quc nous marchons, qui par un sentier, qui par un autre, vcrs le seul pays ou le bonheur prćscnt, tnujours prćscnt, n’aura plus d’ombrc. Pćlerins dc quelques jours, hcureux ccux qui savent illuinincr Ics cnnuis du voyage par unc clairc pcnsćc dc rćtcrnclle dcstination !
Vous avex donc fait, grando voyagcusc, une vlsite h ma dcrniire chambrc dc Paris ? Sans doule, vous avcz etć cnchanlćc dc toutcs les splcndeurs dc ma coquctte infl-dóle ; moi, qui n’ai jainais bcaucoup airać les magnifl* cenccs, j’ai rcgrCttć dc ne pouvoir pas reprendre pour quclqucs jours mes moustachcs noires ct mon habit bleu-barbeau, ct mc fairc votrc guide dans tous les labyrinthes du pays franęais ; car jc.les connais fort bicn, ct j’aurais mervcilleuscmcnt trouse tout ce qui devait vous plaire ; tuoi-mćme j’y aurais rcncontre dc cettc faęon dc vćritables plaisirs. Ccpcndant, il faut quc jc l’avouc, lc chemin quc j*aurais le plus aimć a prendre a votre suitę, aurait ćt*, roninie autrefois, le dernier, cclui qui dc ma ruc dc Lille conduit a votrc desert. Quoique Romę ałt tous les jours pour moi dc nouveaux attraits. jc gardę un profond amour pour tous les deserts dc ma chćrc Bretagne, et Home, pcut-etre ne mc plait tant que parce qu’cllc aussi a du dćsort a la faęon de nos manoirs.
Quc fait-on a Kervasdouó ? Pcrsonnc nc m’en dit un mot, et j’ignorc jusqu’aux soupirs que la chanoincssc ne manquc pas dc donner au retour du chanoine. Ecrivez-moi, je vous pric, ma chfcrc Louise, unc bonne longuc lettre toutc pleinc dc details sur votre exccllcntc familie, quc j’aime dc tout mon coeur ; jc nc veux ricn ignorer de cc qui la touchc, ct jc vous saurai un gre inflni dc tout ce quc vous mc direz sur chnrun dc ses membres, cif commenęant par votre bon pfcre, et en flnissant par le robustc ćlóvc de mon ex-professcur, M, Cręnn. Parlcz-moi dans le plus grand dćtail de toutcs vos sceurs, ct dites-mol qucllcs visites elles sont vcnues vous fairc. Donncz-inoi aussi Ics nouvclles dc ce cher Bas-Lćon, dont je eon* serve les meUlcurs souvcnirs ; et je le lui dois bicn ; car Je n’y connais pcrsonnc qui ne m’ait accucilli de manierę a mc Jnisser bcaucoup dc rcconnaissance et d*amitić.