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milion du trcizieme siacie de notre órc. II etnit. commć vous l’avez dii, Monsieur, contemporain de Danie. II ful un des plus beaux csprits qu’ail produits la Perse. Dis sa plus tendre enfance, ii brula de 1’insatiable desir de tout savoir et de tout repćter ; il avait du talent, 1’ardeur du travail et de la facilite. U conęut d’abord le noble dessein dc surpasser tous les po£tes tragiques qui l'avaient devancć ; la Persc en compte trois qui seront toujours les maitres du Thć&tre (1). Sadi composa donc des dranics, oii Fon rcncontre des morccaux brillants, quelquefois du pathćtique, du touchant, ce que nous appelons parmi nous des tira-des, mais point d'enscmble ; un style dćcousu. inćgal, qui tient de rćpiqiic et du familier ; de bclles scćncs qui ne sont point amenees, des plans vicieux, de 1’esprit, et nul jugement ; c'est ce qu*on peut penscr du theatre de Sadi (2).
II ne se borna pas k ce genre ; il emboucha la trom-pette de Wpopćc ; il £crivit un po£me en 1’honneur d’un des premiers hćros de la nation persane (3). On admira dans cet cuvrage beaucoup de beaux vera ; mais 1’arrćt des connaisseurs de son temps, confirmć par la postćritć, est quc ce poeme śpique n’est ni poenic ni epopće, que c’est plutót une histoire misę en vers, ouvrage dćnuć d*invention, de poćsie, de cha-leur ; en un mot, il est prouv£ que Lucain mtme, le dernicr des podtes epiques, est, dans cette partie, bien superieur k Sadi.
Notre £crivain audacieux, k l*agc de prćs de qua-rante-trois ans, comme par une inspiration divine, se jęta k corps perdu dans la philosnphie, voulut pćnćtrer
(1) CorneJlle, Radne, Crfbillon.
(2) Four U Juitesse de toui ce* tralts de In physlonomtr littfrairc de VolUlrc, comparer nvec Brunclltrc (Ni>uvelles ćtudr* critique») et Puguet (Le dl*-huit|tme lifcie. Etudcs llttfralres).
(3) La Huiriade.
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lc sanctuaire de la naturę, chercha mime h deviner 1’ćnigme de notre etre, et linit par se faire sifflor (1).
L/esprit humain cónnalt peu d’obstacles, quand il est excite par Tamour-propre.’Bientót 1’Histoire ouvrit a Sadi sa vaste carriere ; il jęta un coup d'a*il sur tout . l’univers, et donna un Essai dllisloire uniuerselle. On nc trouva pas encore ce titre assez modestc : on chercha dans cet ouvrage de la veritć, dc 1’impartialite, des connaissances, des rapports. des liaisons ; on fut surpris de ne saisir que quclques traits de satire, quel-ques anecdotes suspectes que leur singularitć avait rendues precieuses a 1'autcur-; car, le singulier ćtait tout ce qui frappait Sadi, quoiqu’il tranchit du philo-sophe (2). II n’y a jamais eu d’cnfants ni de femnie-lettes qui aicnt recueilli plus avidement quc ce po£te des contes absurdes et ridicules. II est vrai que son style ingćnieux, sans qu*il fut jamais lc style du genre, faisait illusion ; les ignorants et les demi-bcaux-esprits, plus redoutables encore aux lettres quc les ignorants memes, cette sorte de lccteurs qui ne se donnent jamais la peine de s’arrćtcr, dc reflechir, de comparer, qui jugent souverainement de tout sans avoir rien appris, les gens du beau monde qui n’ont tout au plus que des notions supcrflcicllcs dc leurs plaisirs et de leurs vaudevillcs : voila ce qui composait la troupe des admirateurs idolfitres de Sadi (3). Le petit nombre ccpendanl des hoimnes de gont, aussi rares en Perse que le sont les Guóbres ou adoraleurs du feu sacrć, nc se laissa jamais entrainer i ce pres-
ll) Alluslou U sa qurrrlle aerc BufTon, k propos dr* coquillages sur In Alpes.
(2) « A !i»ul prrndre c'wl un joli chaos. » CVflt unr ttudf sur IVsprll rt Ir* nnrurs qul lalssr k c)iaqiie Instant la place ■ au d*sor* dre tumulturux des prtits falts aniusants rt drs anrcdotrs satlrlques •, Kagurt.
(3) GrAcr k srs disrlplrs, ■ Ir prlncc des homnirs d'espr!t ćtalt drvr«u lc dlru drs Imb^cllrs •, Fagnct.