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« Je te suis oblig6 de ton Manuel sur 1'adoralion perpe-tuelle du Saint-Sacrement (1). Je lai lu et relu en fran-ęais, car & ma Bonte, je suls presąue devenu ćtranger a ma cliere langue maternelle, que j'avais si bien apprise a lMouguerneyel, dont je me rappellerai toujours avec recon-naissance et altendrissemcnt. Toutes les prićres que tu as reunies dans le Manuel sont excellentes, dignes du grand sujet qui te les a inspirees. Je les montre avec joie a mes amis. Croirais-tu que je noserais pas les ćtablir ici ? tout ce que je pourrais (aire serait de les recoinmander en particulier. On ne rćussirait pas h le faire en public dans nos eglises. Ceux qui n entreraient pas dans la confrerie ne vcrraient pas de bon ceil ceux qui en seraient et n en seraient pas bien vus; il en rćsulterail des divisions dans les villes, les bourgs et les villages : les protestants trai-. teraienl les confrfcres de superstitieux; les impies feraient pire : les uns et les autres en prendraient plus que de 1'ćloignement contrę les calholiques. Mon bul et mon desir extróme serait de pouvoir les amener tous k 1'unitć. Je ne cesse de le dire a mes ecclćsiastiques ; je les presse d*y employer les moyens que je leurai souvent indiqućs. Eb bien, mon cher, je n’y parvieus pas. J ai fait reiinprimer en allemand Fexposilion de la doctrinecatbolique parBos-suet: je la leur ai fait acheter, cn leur ordonnant dc 1’ei-pliquer deux mois de suitę d'un bout k l autre. lis n'en lont rien, ou trfcs peu parmi eux. II en rśsulte que nos gens du peuple ne connaissent pas le dogme, que plu-sieurs sont trompes par les protestants, chez lesquels iis sont en service ou en sociśtś : plusieurs perdent la foi,
(1) Cesi dnns le dioccsc de Quimpcr que pril nniuiince, en 1051, sous lYpiscopal de M*r Rcdć du Lourl, la tlóvotion, sou* farmę cTadorMion pcrpetuellc, au Saint Sacremcnt dc 1'autel. M*r de Poulpiquet la r^tnhlrl par un niandemrnt dale du 8 Septembrc 1835, el il obtint du pope (ire* goirc XVI le* indulgence* drjA concrdees par Cfament X, A la auppliqur dc la reioc Marie-ThfrHe.
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tandis qu’ils y ameneraienl les protestants s'ils etaient assez instruits pour les instruire, et pour nous servirde catechistes dans leurs maisons. Je le recommande si sou-vent, que je ne rćussisqua fatiguer nos desservanls, sans rien gagner sur eu'x. Dćflnitivement, nolre peuple catho-lique ne connalt pas le dogme, et c esl la faule des prć-tres : il en rćsulte que nos fideles perdent souvent la foi, au lieu de la propager ; j'ai beau dire que les protestants nont pas plus envie d etre damnes que nous, je ne par-viens pas 5 persuader m6me mon clerge l& dessus. C est une cbose incroyable et dćsesperanle (ici je pose encore la plume, je me sens le doigt plus fafiguć que jamais)... Je viens de dire matines et laudes. Mon clergć est si accou-tumó & laisser les protestants & eux-mćmes, qu il ne veut pas imiter les prćtres irlandais qui ont si admirablement reussi i convertir les leurs par le moyen des laiąues instruits jusqu'£ devenir de bons catechistes. lis n ont point de confrćries; ils s’en tiennent au service fixć par Tćglise; voila ceque je dis continuellement a mon monde.sanspou-voir les convaincre qu'il est plus essentiel de ramenerA lunitś ceux qui l ont rompue, et dencourager les prteres en particulier plutót que dans les confrśries. Adieu, cher ami, toi que j’aime depuis si longtemps et que jhonorerai jusqu'& mon dernier jour. Tu devrais louerune campagne pour l'ćte, tu t en porterais mieux, et monter & cheval : voi!ń ce que je fais. Je m en trouve & merveille : ja me sens ś l aise sur une bonne inonture et je m y plais. Quand je pourrai ócrire a Prćmord, je lui ferai le plaisir de lui parler de toi, car entre lui et nous deux, nous formons un trio tel qu il s en voil peu. Encore adieu, approclie-toi tout prta, afin que je te serre dans mes bra9. ‘ -« Adieu, adieu. »