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De plus, M. dc Yollairc aurait-il janiais ose traiter quelqu'un dc fripon ? 11 connnit les ćgards ; il aait trop ce qu’il sc doił d lui-móme, el ce qu'il doit auz autres.
Si je iiTarrćtais & ce tas d’ordures, j’nurafo peut-ćtre l’air d’y ćtre trop scnsible, ct je vous proleste que je m*en rejouis j)lus <|iic mes ennemis ineines. Je suis accoutuinć depuis longtemps au petit ressentiment des auteurs.
II faut que je vous apprennc a ce sujet unc anccdote trćs vraie. 11 y a neuf ou dix ans qu’un poćte cćlćbre vivait a la cour de Berlin ; j’avais elit de je ne sais quel!e tragedie de sa faęon qu’ellc n'ćtait pas tres bonne. II avait cela sur le cccur ; un jour le fcu princc royal de Prusse qui me faisait Phonneur dc me lirę, lui demnnda des nouvelles dc Paris ; il rćpondit d’abord qu’il n’en avait point reęues ; par hasard. on vi?it a parlcr de moi : « Ah ce pauvre Krćron s’ecria-t-il d’un air touchó, joubliais de vous dirc qu’il est condamnć aux galercs ; il est parti ces jours derniers avec la rhainc ; j’ai ai reęu la nouvelle ce matin. » On interrogea le poete sur les raisons qui m’avaicnt attirć ce mulheur ; on le pria dc montrer la lettre dans Iaquellc on lui mandait cette etrange avcnture ; il rćpondit qu'on ne lui avait ćcrit que le fail, sans lui en cxpliquer la cause, et qu’il avait laissć la lettre chez lui. II n’cn faMut pas davantage pour faire regarder la pretendue nouvcllc comme une gentillesse d’esprit. Je ne pus m’empćeher de rire moi-mćrne, lorsque feu M. de la Mćtrie, M. le marquis d’Argens, M. d’Arnaud ct M. Desormes m’ćcrivirent de Berlin cette heureuse saillic. (Annie litt. 1760, IV, 110 ct seq., 3 Juin.)
X
La reprćscntatiofl de VEcossaise out licu lc 26 Juillct. Frćron en donna le comptc rendu suivant oń U fuMde tnain dc maltrc >es enuebm. Lu ccnsurę luł łv«i( Intcrdit Fcmploi dc?
ńoms proprcs : U les prlscnla sous des trait* qui les faisaicnt reconnattrc en . ies. ridfculisant :
Hier samedi, 26 de ce moi3 (Juilleł), sur les cinq heures et demie du soir, ii se donna au partcrre de la Comedie-Franęaise une des plus mćniorables balailles dont 1‘histoire littćroire fasse niention.
II s'agissait du Caffe ou de \'Ecossaisc qu'on reprć-sentait pour la pretnióre fois. Les gens de gońt vou-laient que cette piice ffit sifTlće ; les philosophes s’ćtaient engages k la fairc applaudir ; l’ovant-garde de ces derniers, composćc de tous les rimaiileurs et prosaillcurs ridiculisćs dans V Annie LitUrairc, ćlail conduite par une especc dc saneticr appelć Blaise, qui faisait le diable a (/natrę (1). Le redoutable Dorti-dius (2) ćtait au cenlrc de Tarmće ; on I’avait elu generał d’unc voix imani me. Son visage etnit brulant, ses regards furleux, sa tete ćchevelće, tous ses sens agitćs, commc ils le sont, lorsque dominó par son diyjn enthousiasme, il rend ses oraclcs sur le trópied philo-sophique. Ce centre renfennait 1'ćlite des troupes, c’est-a-dire tous ceux qui travaillent k ce grand dic-tionnaire « dont la suspension fait gemir 1’Europe », les typographes qui Kont impriinć, les libraires qui le vendent, et lours garęons de boutique.
L’a»le droite etait commandee par un pro phi te de Boemischbroda, le Calchas de Turnice (3), qui avait predit le surećs du coiubat. II avait sous ses ordres deux regiments de eleres dc procureurs et d'ćcrivains sous les Charniers (4). La gauche, formćc de deux bri-gades d’apprentis - chirurgiens et perruquiers, atalt
(1) Srdaiur. nuteur dr Blaise le sauetier et du Diable 4 qu<rtre.
(2) Diderot ainti nomtii* dans la pitce de Pallitot, les Philosophes, ehef dc 1’Encyclopfdl*.
(3) Grimm, uuteiar d#un paiuphlet contrę ftametu : Le petit pro-phłte de BntmDehbroda.
\4) Le» &rJvuins publict qul te rtunlnaieflt prłi du cliurtlłrt.