de Bernard Tschumi et de Peter Eisenman), et meme dans la chanson (/' m in love with Jacąues Derrida — voila le titre du disąue enregistre par un groupe americain du rap). On retrouve rarement la philosophie dans la chanson; cela n’est arrive qu’une fois, parait-il, dans le cas de Walter Benjamin, plusieurs annees apres sa mort (je pense au disąue de Laurie Anderson, connu du film de Wim Wanders Le ciel sur Berlin). Je n’evoquerai guere les discours consideres pour plus serieux — litteraire, critiąue et artistiąue, juridiąue ou decolonisateur car le role de la pensee de Derrida est largement reconnu. Je veux seulement remarąuer que ce n’est pas par hasard que j’ai parle au debut des “manuels de Thistoire de la culture” et non — ce qui est evident — des manuels de la philosophie, bien que le mot “manuel” et ses con-notations traditionnelles grincent dans le contexte de l’oeuvre de Derrida. Puisqu’il appartient aux penseurs qui — selon les mots de Foucault — ouvrent devant nous “les possibilites infinies du discours” et que l’on appelle “fondateurs du discours”. Mais la position de Derrida est dans cette singuliere familie aussi exceptionnelle. II ne s’agit pas uniąuement du fait que le discours qu’il a plutót ouvert que fonde penetre dans les domaines auxquels n’avaient pas reve les philosophes academiąues, que la reception s’elargit dans 1’espace et a travers les generations et qu’elle se dirige vers les sens imprevisibles pour 1’Auteur (il en discute parfois dans certaines interviews), ce que les bibliographes enregistrent soigneusement. Le probleme reside dans le fait que ces “possibilites infinies du discours” s’inscrivent in-tegralement dans l’oeuvre de Derrida et que lui-meme en tant qu’Auteur (pour employer cette formule, pour certains deja demodee), il en beneficie en nous demandant, nous, ses lecteurs, d’abandonner les chemins battus de penser et emprunter une activite intellectuelle autre que celle a laąuelle nous a habitue la pratiąue academiąue. Et que nous nous rendons compte que — je reprends la formule de Heinze Kimmerle — “la grandę difficulte d’ecrire apres Derrida decoule du fait qu’il a change radicalement la pratiąue de rćcriture”. Les monographies et bibliographies nombreuses, que je viens de mention-ner, signalent en effet les symptómes de l’inquietude et du boul-versement entraines par ce changement radical de faęon d’ecrire.
Dans la preface du livre intitule Jacąues Derrida a Moscou: la deconstruction du voyage, le commentataire russe et, employons cette appellation, co-penseur de Derrida Michaił Ryklin a, d’apres moi,
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