— 6 —
resprit droit, ferme et pratiąue de Xćnopbon plaęait
dans la bouche d*un roi, dont il voulait faire le type
idćal du conqućrant et du prince dans sa Cyropćdie :
« Nous possódons un pays vaste et fertile, nous serons
« nourris par ceux qui le cultivent, nous avons des
< maisons et dans ces maisons tous les meubles qu il
« faut. Que nul de nous donc ne considfere ces biens
« comrne n’ćtant pas k lui; car c’est une maxime ćter-
« nelle chez tous les hommes que quand on prend une
« ville, tout ce qui se trouvc dans la ville, corps et
« biens, appartient aux vainqueurs. Loin doncquevous
« detruisiez injusteraent les biens que vous avez, ce
« sera une concession de votre philanthropie d en
« laisser quelque chose aux vaincus (1). »
Polybe lui-meme, l honnete etconsciencieux Polybe,
l’un des esprits les plus sains et les i>lus avancśs de son
epoque, considere comnie un traitement juste et nor-
mal envers les vaincus le fait de vendre toute une
population, hommes, femmes et enfants : « C’est 1&
« une chose, dit-il, qui, suivantles droits de lagueire,
« attend celui meme qui n'a rien faii de saciilege (2). »
M. Thonissen rćsume ainsi les dćplorables consć-
quences des guerres chez les anciens : « Les villes
« reduitesencendres; lesautels renverses; lessoldats,
•
« c'est-h-dire 1'ćlite du peuple, vendus i 1’encan; des « populations entieres arrachćes a leurs foyers, privćes « de leurs richesses, abreuvćes de tous les outrages « et parqućes comme un vil betail dans les provinces < ćloignśes du vainqueur. *
(1) Cyropedie. I. VII, ch. v. Traduction de M. Talboi.
(2) Pradier-Fodćre. — Etude sur Polybe.
Tel est 1’ordre des faits dans 1’fere paienne, et il est en conformitó avec 1’ordre des idćes.
Sous 1’ere chretienne le nieme ordre de faits se pro-longe longtemps encore. Mais les idóes nouvelles ne sont plus celles de Socrate, de Xenophon et de Polybe, et au lieu de legitimer leshorribles exces de la guerre, le christianisme vient au contraire les ccndamner et les fletrir, et*par sa morale epuree prćparer les lentes mais inćYitables transformations (|ui, par le dćrelop-pement de la raison publiąue et del'adoucissement des raceurs, doivent introduire 1’influence progressive de la primautś du droit sur la force.
Si nous passons, en effet, de Polybe a Groiius, nous pouvons voir quel est 1’intenalle qui separe la civili-sation greco-romaine de la civilisation chretienne dans la manihre d’interprśter le droit de la guerre. On peut mesurer 1’immense progres realisć par 1’esprit humain depuis Socrate, qui conseillait la guerre d’extermiua-tion, jusqu’a Montesquieu qui disait: « quelesdiverses « nations doivent se faire dans la paix le plus de bien * et dans la guerre le moins de mai qu*il est possible. « sans murek leurs v£ritables int^rets(l). *
III
L’lDEE PHILANTHROPIQUE ET LES SOCIETES DE LA PAIX.
Le plus ótonnant contraste que prćsente au point de vue qui nous occupe l'examen comparć de la civilisa-tion greco-romaine et de la civilisation chretienne, c*est de voir a ce mśpris des droits et des sentiments
lj Espril des lois, I. I, chap. Ul.