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si complete que d*aucuns traduisent des auteurs grecs et latins tout entiers sans avoir vu ni connu ce dont ils parlent ; que, pour jaser sur 1' "Hymne a Delos" de Callimaąue, on prefere ordinairement un specialiste de Callimaque a un connaisseur de Delos ; et qu'on tient pour savantes des editions d*auteurs franęais ou se confrontent a longueur de pages d*infimes variantes, ou se celebrent les allechants mysteres d'une virgule devenue point-virgu!e, mais ou Ton omet de chercher pourquoi Balzac fait dire a l'ev£que de Limoges que sa ville est industrielle ou comment il a pu connaTtre la fouille subaquatique dłun pont de Cesar. On pensera que les lettres classiques sont poussiereuses ? mais, dans Parcheologie de m^me nom, cela ne vaut guere mieux : rien ne peut faire rendre gorge a 1'obsession historiciste de la chronologie ou des originaux perdus, ni a la problematique romantique de 1'attribution qui# loin de perdre un peu de son terrain d'election, la ceramologie, ne laisse pas d*en infester, et infecter, de nouveaux.
Tandis que dans les milieux d'avant-garde, on a le moutonisme affole : on s*y court les uns apres les autres en allees et venues desordonnees. La moindre gambade de Pagneau le moins reflechi fait galoper toute la troupe - dans toutes les directions, pourvu seulement qułon tourne le dos a la "culture" dfautrefois, qui fait trop "demeure", au point que nous-m£mes sommes des rares "non traditionalistes" a utiliser tout naturellement une strophe de Heine ou un mot de Bossuet. On va ainsi broGtant, sans beaucoup les ruminer, des concepts, ou plutót des mots de toutes origines et qu'on a le plus grand soin de ne jamais definir, comme si le sens devait en aller de soi : mythes, codes, signifiants, lieux, niveaux de lecture, et toute la kyrielle des vocables new look qui, trop souvent, me paraissent plutót servir a parler qu’a penser. II est ainsi d* "eminents savants" qui ne peuvent plus se passer de 1* "imaginaire", de preference "coilectif", qu'ils avaient ignore toute leur existence, exactement comme on avait auparavant vu tout le monde, un beau jour, pratiquer des "approches" de Pobjet, d'ailleurs sans jamais y entrer et sans s'inquieter de ne paraTtre ainsi que tourner autour du pot. L^cheologie industrielle a le vent en poupe ? parfait, on embarque aussitót, et on y va qui d'un livre, qui d*une table ronde, sans jamais se demander en quoi est archeologique ce qu*on y raconte ; le mot est une etiquette a la modę, sans autre consequence. Quelqu*un a parle d'ethno-archeologie : tout le monde en parle ; et comme il est de bon ton de rigoler des cites lacustres prehistoriques, on en rigole ; ce sont pourtant des cites lacustres encore existantes qui avaient inspire et paru justifier cette ancienne hypothese, mon bon vieux Malet-Isaac me Pa appris il y a plus de quarante ans : il faut croire que Pethno-archeologie n'est pas si neuve en son principe ni si credible en ses suppositions ! Les chiffres passent pour faire savant : on compte et on mesure, sans la moindre Artistique qui vous dise quoi mesurer ni quoi compter, mais dans le respect d'une Archeometrie pour qui un mattre-livre doit ^tre un livre du metre.
Pas plus que de Pimmobilisme resolu des uns, il n*y a rien de bon a tirer de ce vagabondage intellectuel des autres. En achalandant tous les rateliers, ils s*emp^chent d'elaborer un appareil conceptuel coherent et aussi complet que possible. LSchons le mot, dont nous ne rougissons pas : une doctrine. On n'aime pas aujourd'hui les doctrinaires qu'on