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films pendant les annees 1920 et 1930, parcourant surtout les pays du Nord, terres promises des Canadiens Franęais mis en mauvaise posturę par la crise. « Tessier erche a aider 1’homme a prendre conscience de son milieu, a valoriser le travail effectue en relation etroite avec la naturę et a glorifier Dieu, son createur1 ». II n’est pas surprenant de retrouver deux hommes d’Eglise faisant un cinema de « propagandę », a la maniere d’un Dziga Vertov et de son Kino-Pravda, c’est-&-dire vantant les merites de 1’effort, de 1’Eglise et de la race, mais qui, au meme moment, de par la naturę meme du medium, feront oeuvre de « memoire », nous permettant de 1’actualiser, d’en faire une appropriation contemporaine, une interpretation a la lumiere du chemin parcouru.
Deuxi£me point d’ancrage : 1’ópoąue des dćbuts du cinóma de l’ONF, avec (entres autres) Devlin, Petel, Palardy et autres, jusqu’au dćveloppement des techniques qui nous ont permis le cinćma direct. Surgit alors une cohorte de cinćastes emblematiques de la maniere ONF : Groubt, Carriere, Brault, et leurs petits fferes, Leduc, Lefebvre, Chabot, Giguere... Tous ces cineastes documentaristes se sont interessćs aux gens d’ici, a leurs vies, leurs manićres d’etre. C’etait nous definir nous-memes que de nous regarder faire. Le cinema documentaire d9ici est en fait prisonnier de notre histoire; j’emprunte a Christiane Tremblay-Daviault12 son epithete d’« orphelin»: notre pćre manquant (les structures de production appartenant a un Autre), nous sommes condamnes a definir et a redefinir notre identitć jusqu’au moment d’atteindre l’age adulte, on rejoint ici la « projection du soi» de 1’enfant dans le miroir lacanien... Bref, le regard de l’epoque, qu’il soit urbain ou de « brousse », est un regard constitutif, un regard qui informe sur ce qu’il est, et sur celui qui en fait l’experience ; dans la mecanique discursive, on rejoint ici la notion de transdiscursivitć: « ...dans 1’ordre du discours, on peut etre 1’auteur que bien plus que d’un livre ~ d’une theorie, d’une tradition, d’une discipline a
JEAN M, 2005, op.cit. p. 17
12 TREMBLAY-DAYIAULT C, 1981, Un cinema orphelin, Montreal, Quebec/Amćrique.