15 COMPTES RENDUS 387
peut encore fixer la datę. La troisićme dćbute par le relachement des liens qui unissaient les marches-frontieres d’Anatolie k 1’Empire, par suitę de Taffaiblissement du pouvoir central et des changements survenus en Perse.
L’expansion ottomane ne s’est donc pas općrće uniąuement au dćtriment de By-zance par la guerre sainte (ghaza) dirigće contrę les chrćtiens. Elle ne s’est pas faite non plus par des accords pacifiąues avec certaines principautćs anatoliennes, car l’annexion de la princlpautć de Hamid et d’une partie* de la principautć de Germian ne s’est pas faite aussl paisiblement que l’indiquent les chroniqueurs ottomans (p. 46).
Irene Beldiceanu-Steinherr nous apporte des vues nouvelles surtout sur un problćine qui la prćoccupe particulićrement : la conqućte de la Thrace.
Ainsi que l’avait montrć naguere N. Iorga,1 2 les Byzantins ont fait appel au XIV® siecle aux ressources humames de TAnatolie pour lutter contrę les invasions serbes, les trou-bles interieurs et la guerre civile entre Jean V Palćologue et Jean VI Cantacuzćne. Ce fut ainsi que les ćlćments turcs d’Aydm, de Sarukhan, de Karasi et mćme des ottomans fran-clnrcnt a plusieurs reprises 1’Hellespont.
L’histonographie officielle ottomane s’est attachće, par contrę, k attribuer aux Ottomans la gloire de la conquete de la Thrace. Afin de ne pas la partager avec les autres ćmi-rats seldjukides d’Anatolie, et aussi pour ne pas avouer les relations des Ottomans avec les Cantacuzćne, les chroniqueurs turcs ćhminćrent soigneusement toute allusion k une coopćra-tion nulitaiie et piesentćrent les exploits turcs en Thrace comme des conqućtes rćalisćes uni-quement au profit de la maison d’Osman.
Irene Beldiceanu-Steinherr s’attache k montrer que la rćalite est tout autre. La con-quete de la Thrace et d’une partie de la Macedoine ne fut pas le rćsultat de la politiąue d’expansion de la cour de Brousse. Elle fut l’ceuvre des beys venus en Europę avant Suleyman pacha, avec lui et nieme apres lui. Evrenos et Hadji Ilbeyi ne sont pas des gćnćraux au ser-vice de la maison d’Osman, mais des chefs de petites formations politiques dont les paysans, grecs probableinent, travaillaient la terre pour leurs maitres turcs. La prćsence de kadi, de subasi et de kadi’asker prouve que ces formations politiques possćdaient dćs cette ćpoque des rudiments d’adininistration.
La mort de Suleyman (758/1356 — 57) ralentit la pćnćtration ottomane en Thrace, Murad I etant retenu en Anatolie par sa lutte contrę ses freres ainsi que par la dćfense des frontieres orientales de 1’Etat. La conqu^te de Gallipoli (1366) par Amćdće de Savoie lui barra la route de cette rćgion jusqu’^ l’hiver de 1376 — 1377. L’auteur explique la confusion des chroniques ottomanes qui traitent de cette ćpoque marquće par la pnse d’Andrmople et la victoire de la Maritza, par leur souci de masquer 1’interruption de la domination ottomane en Thrace en intćgrant les exploits des beys non ottomans dans 1’histoire de la dynastie ottomane. Ce ne fut qu’& partir de la reddition de Gallipoli, mentionnće par Nesri, 1 que Murad I ćtendit son pouvoir en Thrace. II en ressort que la conquete d’Andrinople ne fut pas l’oeuvre du sułtan* mais celle des beys rćsidant en Thrace, tels que Hadj Ilbeyi, Evrenos et les Tuakhan. On ignore encore par quels moyens Murad rćussit k s’iinposer aux beys de Roumćlie. II est probable que l’offensive de Manuel Palćologue dans la rćgion de Thessalonique contraignit les beys k accepter la suzerametć de la maison d’Osman. Un passage d’Urudj dćvoile les bases sur lesquelles avait ćtć conclue cette entente aux termes de laquelle le sułtan prćlevait un cin-ąuićme du butin (pengyek)3 (p. 205). Bień que Murad I fut le maltre de la Thrace, son
N. Iorga, Latms et Grecs d'Onent et Uetablisscmcnt des Turcs en Europę (1342 — 1362)r * Byzanlinische Zeitschrift *, XV/1906, p. 181 — 220.
8 F. Taeschner, T. Menzel, Gihannuma, Die altosmanischc Chronik des Mewlana Mehmed Neschris, Leipzig, I, 1951 — 1955, p. 52.
Cf. la rćcente ćtude d’Irćne Beldiceanu-Steinherr, En marge d'un acte concernant te pengyek et les aąmgi, « Revue des Etudes Islamiques », Paris, 1969, n° 1, p. 23—47.