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grandement le piaignant, malgre ses avantages nombreux pour ta population qui y voit un moins grand risgue en cas d'enreur judiciaire, a pu, avec la perte d‘initiative qu'eile entralne, avoir aussi des consequences sur la perception de la justice chez ia population.
La fin du Xllle siecle et le dśbut du XIVe representent une epoque chamiere dans la relation entretenue entre la population et son pouvoir de justice. La dśresponsabilisation concrete et progressive des quelques trente dernieres annees fait peut-etre davantage place a un sentiment de perte de contróle qui s'exprime, entre autres, par des eclats de violence diriges contrę le pouvoir judiciaire jusque-la pratiquement absents des documents et par une diminution sensible des denonciations par rapport a 1'ensemble des poursuites.1 2 Ce sentiment entralne forcement un desengagement de la population face a 1'administration de la justice. Le pouvoir de justice devient alors une entite propre, dissocie de la population qui n'interagit plus avec lui qu'en termes de poursuites et de sanctions. La justice devient le travail d'un petit nombre et non plus le moyen d’action de tous. Elle possede des regles et un langage qui echappent a la comprehension populaire et se place au service d‘un ordre superieur totalement distinct des interets prives des justiciables. Beaumanoir justifie d’ailleurs l’existence des avocats par le besoin de la population qui ne comprend pas le systeme judiciaire. "Pour ce que mout de gens ne sevent pas les coustumes comment on doit user, ne ce qui apartient a leur querele maintenir, il loit a ceus qui ont a pledier qu’il quierent conseil et aucunes personnes qui parolent pour aus...V°
L'observation de la documentation permet d‘avancer 1'hypothese du developpement de nouveaux reflexes chez la population au dśbut du XIVe siścle. Les echanges d'injures, verbales ou rśelles, sont des iors plus rarement denoncśs par les personnes impliquees. Par exemple, dans le registre 56H 959, pour 25 affaires retranscrites, seulement 5 presentent une denonciation et aucune d'elles n'implique un echange d’injures.
Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis. ch. V, no. 174, tome J, Pans, 1974, p. 89.