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qui le dćnoncent comme un pićge tendu aux amis du progres humanitaire. Je crois etre dans les conditions d’une impartiale et meme bienveillante appróciation a 1’egard de ce projet, qui so rapproche sensiblement, sur certains points, des idćes dśveloppćes dans mes raśmoires k 1’Institut sur la civilisation de la guerre, et notamment sur les trois pointa suivants, d une si haute iraportance k mes yeux.
Ce projet est, en cffet, un grand pas vers la recon-naissance de la nćcessite de la codiflcation du droit des gens, que j’ai demandee comrae une condition essen-tielle de la civilisation de la guerre. II semble, de plus, cntrer dans la voie qui m’a pani etre celle que devait suivre la codification du droit des gens, quand j’ai dit qu’elle ne pourrait se realiser que par le double con-cours des congrks de la science et de ceux de la diplo-matie. Enfln, le projet a rempli une autre condition sur laquelle j’avais \ivement insistć, celle de faire prś-cćder la codiflcation du droit des gens relative a la civilisation de la guerre d’un expose de principes gśnd-raux.
On ne peut mćconnaitre les sentiments d’humanitć ćvidemment inspirós k plasieurs dispositions de ce projet par les cruels souvenirs d'un passć rócent et par les apprśhensionspeut-etre d*nn sombre avenir. Toute-fois, en s’attachant k interdire les moyens que rhuma-nitć et la ciTilisation róprouvent, ce projet laissebien des lacunes encore k combler, et il en est deux notam ment qui n’ont echappe k personne, je veux parler de 1’emploi des otages, empruntś k la barbarie d’un autre age, et Tinnoration de Tincendie au pćtrole comme raoyen d*intimidation ou de vengeance, ainsi quon
l'a pratiąuć envers rhśroiąue population dc Chateau-dun.
On a dit avec raison que le role d’impartialitć pour rćdiger ce projet appartenait h la Russie qui, specta-trice des deux grandes luttes dont TEurope a eió dernierement le tłie&tre, devaitnaturellement apporter dans sa ródaction les nobles sentiments d’humanitó dont, pas plus que son adversaire, elle ne s’est dćpartie dans la guerre de Criraśe. Mais peut-on considśrer du reste ce projet comme un Yćritable programrae de la civilisation de la guerre ? Je n*hósite pas ii me pro-noncer pour la nćgative, tout en repoussant ćnergi-quement- 1’injustice de ceux qui ne voient dans co pro jet qu*une rćglementation de coups de canon et la science de massacrer correctement; et pour motiver mon opinion, il me suffira de rappeler ici la manierę dont j'ai dófini devant 1’Institut ce que j^ntendais par civilisation de la guerre :
« Civiliser la guerre, c’est, selon moi, proclamerbien haut le seul principe qui puisse la justifler, celui de la legitime dófense, et en dehors de ce principe la flótrir comme criminelle; en un mot, c’est montrer ce qui est le droit, la guerre dófensire, et ce qui est le crime, la guerre offensive de 1’ambition et de la conąuete. Ce qu’il faut s’attacher k abolir, c’est la seconde, puisqu’alors la preraiere n’aurait plus de raison d’etre (1). »
(1) Lettrc a M. Migael, Secrćtaire perpetuel de 1’Acadćmie dos Sciences raoralcs et politiques {Compłe-Henda des Trataux de fAcadćmie, t. XCIX, p. 633.