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d'entre vous faire une neuvaine pour moi en rdcitant le chapelet k genoux autour de la chapelle. »
Et la neuvaine fut faite le jour mime. Judeaux sui-vait, mais avec lenteur! et en se faisant d’incroyables violences. A chaque instant il lui fallait s’arrćter et respirer.
La procession une fois terminie, ii se tralne du cól& de la fontaine.
Jusqu’ici, en ddpit de ses pridres, il n’avait dprouvd aucun soulagement, aucune consolation. Ndanmoins, sans perdre courage, il se fait asseoir k la fontaine, sur le rebord du bassin, et commence k se frictionner les picds, les jnmbes, les cuisses. L’inutilite de ses efforts ne le rebute pas; rien ne ddconcerte son espoir, qui demeure aussi ferme.
Dieu attache un grand prix k une pridre persevd-rante; et il finit toujours par la rdcompenser. Or le moment de la rdcompense arrivait pour Judeaux.
II sentit tout k coup une souffrance trds aigue, or ce n’dtaif pas 1’annonce d’une aggravation de son mai. mais plutót le travail d'un organisme qui se rdparait. Dans ses jambes, qui dtaient mortes depuis tant de mois, la vie recommenęait A circuler; il s’etire, ses membres prennent leur position normale, il se redresse, il est debout.
Mais le voil& pris d'un trouble soudain ; il hdsite, comme s*il ne savait plus marcher. Enfm il se ddcide k mettre un pied devant 1’autre, et lentement, crai-gnant de tomber k chaque pas, il se rend k la chapelle. portant k la main ses petites bdquilles, trop courtes ddsormais et devenues inutiles.
Ló, une vendeuse de cierges, voyant 1’embarras de sa marche, voulut lui venir en aide: « Qu’avez-vous? »' lui dit-elle. — « Je suis gudri et mes bdquilles sont devenues trop courtes... » — « Attendez, il y en a un tas ici devant la statuę, je vais vous en donner une paire en dchange des vótres. »
A la sacristie od Judeaux raconta sa gudrison, on ne
voulut pas le croire: « Allez-vous en chez vous, lui dit-on ; procurez-vousdes certificats des prAtres, des nfede-cins et personnes honorables qui vous ont connu. Quand nous aurons ces femoignages entre les mains, nous rAdigcrons le procćs-verbal. »
Judeaux retourna chez lui, mais A pied cette fois, tout en conservant ses blquilles, dont il se servait de temps en temps, lorsqu*il Atait fatiguA.
A Redon ce fut une fetę, quand on vit reparaltre dansson attitude d'homme le pauvre cul-de-jatte qu’on avait vu si longtempsse tralner dans les rues de la ville.
Dieu n'avait-il pas prAcisćment permis ce longsójour A Redon pour rendre l'intervention de sainte Annę plusćvidentedans la guArison d’uneinfirmitA incurable.
Au fur et A mesure qu’il approchait de sa paroisse natale, ses forces se rAtablissaient de plus en plus. Et lorsqu’il rentra chez lui, il cheminait sans l aide de bAquille ni de bAton.
Adrien Judeaux n’Atait pas de ceux qui reęoivent un bienfait et qui oublient le bienfaiteur.
Trois mois aprAs, l’enquAte ayant AtA instruite par l'Avóque de Rennes, il revenait A Sainte-Anne avec le procAs-verbal signA de huit tAmoins et quatre notaires.
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Lob blessśs sont guśrls — Parmi les innombrables objctsque la reconnaissance populaire avait suspendus autour de la statuę de sainte Anno, aucun sans-doute n’attirait autant les regards qu’une fetę en cire de gran-deur naturelle traversAe dans toute sa longueur par une dent de fourche, dont la pointę effilAe ressortait d’un demi-pied au-dessus du crAne.
Cet ex-voto, d’un rAalismc saisissant, rappelait une histoire vraiment extraordinaire ; et A trois siAcles d in-tervalle, les circonstances du miracle, qu’une enquAte juridique consigna avec le plus grand soin, nous pa-raissent encore Amouvantes.