Fernand BO U LAN
Professeur a l’Universiti de droit, d’śconomie et des Sciences d’Aix-Marseilłe Doyen honoraire de la Faculti de droit et de science politique
Comme toutes les lois d’amnistie, la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 a suscite un contentieux portant sur son champ d’application.
L’objectif principal du legislateur etant alors de rejeter dans 1’oubli des infractions mineures en relation avec les conflits du travail ou les revendications sociales, avec les elections de toute naturę ou avec le codę de justice militaire et celui du service national, il etait previsible qu’en 1989 la Cour de cassation soit appelee a statuer sur plusieurs affaires relevant de ces domaines.
Le domaine du droit penal de la construction et de 1’urbanisme devait a son tour essayer de profiter de ce « błanchiment » legislatif en invoquant une disposition d’ordre generał de la loi du 20 juillet 1988.
En elTet Particie 2-1° de cette loi prevoit que sont amnisties, lorsqu’ils ont ete commis avant le 22 mai 1988, les « delits pour lesquels seule une peine d’amende est encourue ». Comme il ne faisait aucun doute que les dispositions de cette loi d’amnistie puissent etre invoquees pour toutes les affaires en cours non encore defini-tivement jugees, la Chambre criminelle de la Haute juridiction a, par plusieurs deci-sions, reprenant toutes des motifs identiques, rejete les pourvois fondes sur ce texte.
Deux arrets en datę du 14 novembre 1989 (afT. Amelineau, n° T. 88-86-595, public. Flash, et Straub, n° M-88-87-141D), un arret du 19 decembre 1989 (afT. Guerci, Se-maine juridiąue, 1989. IV. 114), et enfin celui du 19 fevrier 1990 (afT. Mazeron, non publie), precisent : « Attendu que Particie 2 de la loi precitee, selon lequel sont am-nisties, lorsqu’ils ont ete commis avant le 22 mai 1988, les delits pour lesquels seule une peine d’amende est encourue, ne peut recevoir application en Pespece, des lors que Pinfraction relevee est sanctionnee en application des articles L. 480-4 et L. 480-5 du codę de Purbanisme non seulement par une amende, mais aussi par des mesures de publicite et d’affichage ».
Cette position, parfaitement justifiee, s’explique-t-elle par la naturę des mesures ac-cessoires ou complementaires a la peine d’amende prevue par le codę de Purbanisme, ou seulement par Pinterpretation du texte de la loi cPamnistie ?
Dans les trois affaires citees, les moyens des pourvois tentaient d’entrainer la Haute juridiction sur le terrain de la naturę des mesures autres que Pamende.
En pretendant que la demolition etait une peine complementaire, les moyens invo-quaient Particie 19 de la loi du 20 juillet 1988, suivant lequel Pamnistie entraine Pamnistie de toutes les peines principales, accessoires ou complementaires, ainsi que de toutes les incapacites ou decheances subsequentes.
Par ailleurs, en pretendant que Pastreinte, les mesures de publicite ou d’affichage etaient de naturę civile, les moyens soutenaient que la seule sanction penale prevue etait Pamende, et que des lors la construction sans permis entrait dans le champ de Particie 2-1° de la loi d’amnistie.
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990