DOCTRINE 501
La Cour de cassation a precise que la notion de detention englobe dans sa generalite toute personne a qui incombe a un titre quelconque la surveillance d’un lieu, ou la surveillance ou la conduite d’un vehicule, n’en eut-il pas la gardę juridique53. Autrement dit, la responsabilite penale du detenteur re-sulte de la presomption a son encontre d’une faute ou d’une negligence constituee par le defaut de surveillance. Ainsi que l’a exprime la cour d’appel d’Amiens en un arret du 14 octobre 194854, « si le proces-verbal de douane ne contient pas des elements de naturę a etablir la mauvaise foi du prevenu, U a a tout le moins commis une imprudence en ne surveillant pas sa demeure et en permettant aux contrebandiers d’y deposer leurs marchandises». Sa faute consiste donc a s’etre abstenu de prendre toutes les precautions pour que les auteurs de 1’infraction principale ne puissent pas entreposer des objets illi-cłtes dans son immeuble ou son vehicule, ou plus precisement dans rimmeu-ble ou le vehicule qu’il avait mission de surveiller. Certes, on admet volon-tiers que cette negligence a pu ne pas etre consciente. Si 1’agent avait eu conscience que son defaut de surveillance pouvait permettre a un tiers de deposer des marchandises frauduleuses en sa detention, il serait indiscuta-blement coupable ; sa faute serait nieme si grave qu’elle toucherait a Pinten-tion pure. Mais il n’est pas certain que cette inconscience Pabsolve. En effet, sa faute consiste ici dans Pignorance ou il s’est trouve de la materialite de sa detention : il ne s’est pas rendu compte qu’il commettait une infraction dont 1’incrimination est prevue par Particie 392 du codę des douanes, car il igno-rait qu’on avait place des objets de fraude dans son appartement ou son vehicule. Or c’est justement cette ignorance de sa detention qui constitue sa faute, et partant, sa mauvaise foi.
Une telle analyse conduit neanmoins a des resultats redoutables. Admettre comme la Cour de cassation que le proprietaire d’une ferme de plusieurs hectares55 ou le chef d’un train a la possibilite d’exercer son obligation de surveillance est hautement discutable. On ne peut davantage placer au meme plan le devoir de surveillance auquel est tenu le proprietaire ou 1’occupant d’un studio, et celui d’un depót ou d’une cave, le gardien professionnel et le simple occupant...
Certes, le plus souvent, le detenteur est tenu a une certaine surveillance, mais il semble inadmissible de le punir sans qu’il y ait eu reellement de sa part negligence. Tel est le cas notamment si 1’erreur a ete invincible, c’est-a-dire s’il s’est trouve, comme dans les hypotheses precedentes, dans des circonstances telles qu’on ne pouvait en toute logique eviter la detention, et 1’infraction qui en decoule.
Aussi bien est-il souhaitable d’adopter une interpretation de 1’article 392 du codę des douanes conforme a 1’esprit de la loi de 1987, en s’attachant a des indices tels que la realite du devoir de surveillance, la possibilite pour le detenteur de l’exercer ou le caractere professionnel de la detention... Ce fai-sant, on corrigerait les consequences injustes de la seule constatation d’un fait juridique : la detention de marchandises prohibees.
Certains textes exigent toutefois la demonstration d’un element intention-nel conforme au droit penal commun.
53. Crim. 11 oct. 1972, D. 1973. Somm. 7 ; 2 avr. 1979, J.C.P. 1979. śd. G., IV. 201.
54. Doc. Cont. n° 843.
55. Crim. 15 nov. 1833, prec. ; adde Amiens, 31 janv. 1950, Doc. Cont. n° 914.
Rev. science crim. (3), juill. scpt. 1990