DOCTRINE 515
Raynaud, « Le secret de la vie privee », in VInformation en droit prive, LGDJ, 1978, p. 408).
Tout comme la jurisprudence civile a pu rattacher a un patrimoine morał le sentiment que chacun a d’avoir un droit sur sa vie privee, et en a fait un droit, nous pensons que la jurisprudence penale pouvait, comme elle l’a fait, dans Farret Bourąuin, a propos d’un fichier de clientele, reconnaitre Fexistence d’un patrimoine informationnel et, par suitę, consacrer l’existence d’un droit de propriete sur Finformation.
En matiere de droit de propriete sur les informations seules, une interven-tion legislative sera sans doute necessaire, comme elle l’a ete en matiere de droit a la vie privee. En attendant que le legislateur accepte d’affronter effec-tivement cette question, on ne saurait se plaindre de ce que la Chambre cri-minelle ait fait coincider le droit et la realite et ce, d’autant moins, que la revolution civile est limitee, le vol de Farret Bourąuin n’etant qu’un vol d’usage.
2. La revolution civile attenuee par la restriction du vol d’information seule a un vol d’usage
Le contenu informationnel des quarante-sept disquettes n’a pas ete de-clare «definitivement» vole, mais vole, simplement, le temps necessaire a la reproduction des informations. II s’agit donc, bien, d’un simple vol d’usage realise par usurpation de la prerogative de reproduction. De la sorte la Chambre criminelle ne batit pas le statut d’un bien nouveau : le bien informationnel ; elle reconnait, simplement, au titulaire de Finformation, une preroga-tive du droit de propriete en declarant qu’il y a faute penale, constitutive d’une soustraction, dans le fait de reproduire Finformation sans droit. Elle se contente donc, sans meconnaitre la loi penale (cf. supra) d’utiliser les res-sources de la technique juridique evitant, ainsi, desesubstituerau legislateur.
Pour s’en convaincre, il sufFit de se placer sur le terrain de la reparation ci-vile. Le vol d’information reconnu par Farret Bourąuin n’etant qu’un vol d’usage, la victime d’un tel vol ne pourra, au titre des restitutions et dom-mages et interets, demander la valeur totale de Finformation. Elle ne pourra obtenir que la reparation du prejudice occasionne par 1’usage sans droit de la ’hose et cette reparation ne pourra que tendre vers la valeur totale de 1’infor-tation, au cas ou celle-ci disparaitrait par son premier usage. La naturę de /ol d’usage de Farret Bourąuin attenue donc bien la revolution ayant consiste reconnaitre un droit de propriete sur Finformation seule.
Dans ces conditions, Fensemble de la revolution operee sous le rapport de ’objet du delit peut bien etre consideree comme une revolution douce. Cette śvolution a permis de modemiser ouvertement la listę des choses suscep-ibles d’etre Fobjet de Finfraction la plus classique contrę les biens : le vol, ans ebranler fondamentalement, selon nous, les structures essentielles de 'infraction. L’impact de Farret Bourąuin semble beaucoup plus grave quand ;»n procede a son analyse en se plaęant, non plus uniquement sous Fangle de Fobjet du delit: Finformation, mais sous ceiui du modę de soustraction de Information : la reproduction.
Rev. science crim. (3), juill sept. 1990