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LA SOLUTION 167

spćciale? Ce n’est pas l’avis du Philosophe: la justice l6gale, ce sont toutes les vertus elles-memes considerees dans leur rapport avec le bien commun; il n’y a en consequence qu’une distinction de raison^ł. Saint Thomas, au contraire, y met une distinction reelle, parce que les objets differencient les actes et les habitus; or le bien commun est 1’objet propre et formel d’un acte pose en vue de ce bien commun; il y a donc lieu de conclure a l’exis-tence d’une vertu speciale rćpondant a cet objet spćcial:

Actus enim idem subjecto producitur a justitia legali et a vir-tutę simpliciter dicta, puta non moechari; tamen secundum aliam et aliam rationem. Verum, quia ubi est specialis ratio objecti ctiam in materia generali, oportet esse specialem habitum, inde est quod ipsa justitia legalis est determinata virtus habens speciem ex hoc quod intendit bonum commune » (in V Ethicorum, lec. 2, sub finem).

Voila la justice legale nettement degagee; c’est une vertu dis-tincte de toute autre par son objet formel, le bien commun, mais qui n’a cependant pas de matiere sp6ciale, puisque ce sont les actes de toute vertu qui peuvent etre faits en vue du bien commun (2* 2«, 58, 6). Si donc on parle de justice generale, ce ne peut etre dans le sens que la vertu de justice legale se confond essen-tiellement avec tout acte de vertu, au point de 1’englober dans sa definition, comme le concept d’animal inclut 1’homme et le cheval, mais parce que, en plus d’avoir un objet materiel generał et un objet formel qu’on peut appeler aussi generał, elle a un role generał, quelque peu semblable a celui d’une cause uniyerselle vis-a-vis de ses effets; celui d’imperer, d’ordonner a sa fin a elle les actes des autres vertus, sans rien changer cependant a la valeur sp6cifique de chacune d’elles. Ce role important fixe pour saint Thomas la notion de justice legale: elle est speciale par son

1. Ethica Nicomachea, E. 3, 1 !30^a, 10-13.