z L’image de l'«autre t dans les mannels scolaires 17
2. La gćographie scolaire, orientće vers le present national, reflśte les revendications irrćdentistes en presentant la nation grecąue comme une entite indivisible malgre la carte politiąue contemporaine. La geo-graphie nationale par consćąuent ne se limite pas aux frontióres de l’Etat grec, considerees en outre comme provisoires, mais dócrit un territoire national uniąue et divisć a la fois 7.
3. Dans toute 1’Europe du XIX8 siecle on reconnait communement a chaąue nation des traits constants particuliers dćterminós par la naturę et 1'histoire. II s’agit en effet de la tradition allemande de dćfinition de la nation qui prćconise l’explication deterministe. La definition dominantę de la nation grecąue au tournant du siócle suit d’ailleurs cette m§me tradition.
Le fait que 1'lłtat grec fut crće aprós une lutte armee contrę 1'empire ottoman a accorde aux Turcs la premierę place — dans le temps et dans la hierarchie — parmi les ennemis de la nation grecąue. L'opposition aux Turcs ótait en outre justifiee et interpretće gr&ce a une argumentation empruntee a 1'Europe occidentale. L’argument principal, unanimement acceptć, ćtait 1'opposition entre 1'Europe et l'Asie, 1'Europe etant censóe incamer Topti-mum culturel. L'Asie par contrę symbolisait la barbarie et 1’ignorance. La diffórence religieuse — entre christianisme et Islam — renforęait cette oppo-sition, d’autant plus que la religion fut pour les Grecs un ćlćment crucial d'identitć.
L'image des Turcs, telle qu’elle est revelće par les manuels scolaires, ne change pas dans le temps. Bień que pćjorative, elle se distingue plutót par une arrogance envers les Turcs «ignorants » et « barbares » que par une hostilitó ouverte. On lit dans une Geographie de 1848:
« ils (les Turcs) se distinguent pour leur caractóre genereux, hospitalier, libóral, honnóte, sinc£re [...] mais ils sont plonges dans un profond sommeil et ne se rćveillent point bien qu'ils s’aperęoivent du progres artistiąue et scientifiąue des peuples eclaires » 8.
Cette image des Turcs s'inscrit apparemment dans la lignee de la pensće des Lumieres, selon laąuelle la valorisation de 1’education impliąuait une ćvolution des individus et des groupes humains suivant leur ainsi dit i degrć de civilisation ». II est cependant evident qu’au cours du XIX® siócle, et suivant la cristallisation progressive de 1'identitć nationale grecąue, cette ćvaluation sert k prouver la supórioritć de la nation grecąue par rapport a la nation turąue.
Dans ce processus dćmonstratif on peut signaler une fois encore la predominance de 1'interprćtation historiąue. En effet, le vćcu contemporain, c est-a-dire le fait de reconnaitre des ennemis au temps prćsent, entraine la recherche de ces ennemis dans le passe. Par des procedures analogues k celles observćes au cours de la construction retrospective de la continuite historiąue de la nation — ou plutót par leur biais precisćment — sont rććta-
7 L’£tat grec connut une expansion progressive de ses frontidres: en 1864 sont anne-xees les ileś ioniennes, en 1881 la Thess&lie et Arta et en 1912—1913, aprós les guerres bal-kaniąues, la Gr&ce atteint ses fronti^res contemporaines. L'expansion du territoire fut d'ail-leurs un des principaux param^tres de la politiąue extćrieure grecąue jusqu'en 1922.
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' 8 G. A. Vakalopoulos, 27roizeuuSrj; rwuypcHpia ..., (Geographie ólćme^taire),
Athfries 1848, p. 54.
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